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la mort est morte, on va pouvoir désormais
se polir les osselets
se lécher les uns les autres, en recrachant les poils
la mort est morte et la mort règne totale
tandis que les hommes continuent à vivre, les chiens à aboyer
- cette persévérance, cette obstination...
comme s'ils n'arrivaient jamais à jouir, à balancer la jambe par-dessus l'épaule, à
passer l'âme à gauche....
plus je vieillis plus je me trouve beau. je me fais penser un peu au vilain petit canard
au regard de l'imaginable possible, notre corps sécrète une quantité réduite, voire négligeable
de liquides, ou de leurs contrefaçons (retiens bien la chanson)
chaque homme se sent en quelque sorte le dernier homme, s'il ne cligne des yeux
une histoire qui finit mal finalement nous rassure....
si loin (temps maussade)
si loin de ces azurs à vous couper le souffle
si loin de Troie et de Cassandre sauvagement agressée par le roi-nœud
- la chaise longue dans l'herbe prend la pluie...
avoir tellement mal à son âme, à son âme qui n'est pas la sienne
avoir tellement mal nulle-part qu'on a pitié de chaque souvenir du temps jauni
qu'on a pitié de rien, avoir mal
- quelqu'un miaule désespérément à la fenêtre: je ne lui ouvrirai plus.
j'ouvre tout: la voie, une autre bouteille,
un destin déchargé de la responsabilité d'être un humain
des hommes se jetaient dans le vide et on ne les revoyait plus
je crois que c'est la puissance fanatique et dépressive de mon amour qui la séduisit, qui la repoussa
j'avais à peine quinze ans que j'épousai Cassandre - le tonneau des danaïdes de sa chatte...
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les choses n'ont guère plus de poids que celui dont on les charge - et mon dieu qu'elles pèsent...
l'air qui flotte à la surface d'un cube de granit est en air ce que le cube est en granit, et frémit
selon le même principe d'unitaire déréliction, je marche au-dessus et tout le long du caniveau, la jambe droite sur le trottoir, la gauche sur la rue
j'irais ainsi jusqu'à la mer si j'en avais l'émoi, plutôt qu'un paysage.
le sceau percé,
il navigue pas grand chose, c'est la terre qui boit tout
par la paille des hommes
par la paille des femmes
par la paille des enfants
par la paille des animaux
enfin de tout ce qui respire, sent, et gémit dans son sommeil
lorsque se retire le sommeil, en général au matin, elle bande.
mâchonner ce bout d'écorce
cracher l'amer, la sève amère
quand on ne veut plus de ses amis on les enterre
avec les chats crevés, les preuves tangibles, la prière du matin
c'est fou tout ce qu'on se cache tout de même... afin que le miroir accepte de nous renvoyer l'image approximative....
allez, bon voyage.
il y a des choses qu'on ne peut pas ne pas voir, des choses en nous dont aucune paupière ne nous dissimulerait la vue
toutefois nous respirons, méthodiquement. le souffle chevauche le souffle un certain temps
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la vie comme exacte combinaison du chœur antique et de ma voisine névrotique
n'avoir par ailleurs pour se préserver de l'oubli rien d'autre que la mémoire, t'en souviens-tu?
et contre la mémoire rien que l'oubli, un voile blanc de mariée
traditionnellement c'est blanc, un voile de mariée.
il pleut et c'est pas pour nos tombes
il pleut sur nos tronches comme il pleut sur le fleuve: en pure perte
mais il n'a pas plu depuis des semaines dis-tu, et là où il ne pleut pas les hommes ignorent la douceur de la tête penchée
du gris méticuleux
et du temps qui s'endort au ronron de la bruine.
je ne veux rien, je t'assure - non, non je n'ai besoin de rien
que la mort d'en dehors seulement ne vienne faire obstacle ou interrompre la mort d'en dedans
j'ai mort à mon nom. je ne comprends pas très bien ce que j'entends par là mais j'ai mort à mon nom
et puis j'ai pas su me retenir.
les yeux sont au milieu
la morte couchée sur le côté, chienne au repos mais l'oreille aux aguets
un plan de métro parisien par exemple, c'est beau
et réserver son billet longtemps à l'avance s'avère économiquement raisonnable
je crois j'ai du pleurer trois quatre fois dans ma vie
parce que chez nous, les garçons, ça pleure pas.
la nuit un symbole continu, même quand-i pleut pas
je jouis du luxe inouï qu'on n'attende rien de moi, pas même moi
j'aimerais dire autre chose - autre chose se dira toute seule
il y a des choses qui ne se font qu'à part soi, comme le suicide, l'onanisme, la défécation ou encore
la pêche à l'ophélie....
un chien couvert de bruine
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pourquoi donc ceux qui meurent, ceux qui n'ayant plus la force de mentir ont les yeux tout ouverts
ne nous parlent-ils pas?
sommes-nous à ce point lâches qu'on ne veuille les entendre?
pourquoi devons-nous de surcroît
tuer ceux qui meurent?.
mais tout nous semble si loin - et le sable qu'on écope d'une barque échouée...
putain de vague qui s'effrite à l'instant même où elle devait m'emporter...
allez ça suffit maintenant, on ne pleurera que quand on aura des yeux, de vrais yeux
et que, même ayant si peur parmi moi, je reviendrai du bout de rien
m'habiter, et habiter ma vie.
un jour ils te tueront
et tu ne leur diras rien, tu seras mule têtue ou un esprit-jardin
un jour tu leur diras, elle s'appelait ainsi, elle s'appelait comme ça, et ils te tueront
ta maison n'avait plus de roues
un jour ils te tueront, et ils ne tueront rien
ça fait quelques générations déjà que les gens meurent
et que les filles s'appellent ainsi, et que les filles s'appellent comme ça
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tu sais bien que je n'y crois plus, aux jongleries avec les mots, aux jongleries avec l'esprit, aux jongleries avec l'émotion
et qu'une décalcomanie de bouddha sur le biceps n'aidera pas un enfant à s'endormir alors que sous le lit veille le loup
- je ne suis rien. je ne veux être rien. j'aimerais seulement cesser
d'y penser.
je ne vois pas que faire d'autre que de se parler à soi-même. et pour se parler franchement à soi-même, encore faut-il franchement s'écouter
puis, s'étant tout dit, imagine ce silence profond entre soi et soi, ce silence en soi, vaste clairière...
j'ignore pourquoi il faut qu'à cet instant-là il se mette à pleuvoir, me voici tout mouillé
- peut-être parce que le salut ne suffit pas et qu'il faille la grâce, que le salut sans la grâce ne vaut pas bézef
et enfin parce que même la mort
doit être relevée....
une fois sur le chemin, on reste sur le chemin - axiome de cheminot
à moins d'un bon coup de vent, d'une forte bourrasque, évidement
évidement.
une fois sur le chemin on ne sait plus trop quoi faire - on lance des pierres aux chiens si on voit des chiens rôder
qui de toute façon te renverrait la pierre, qui te la jetterait? ce chemin est trop loin pour trois
et l'on n'y croise jamais que ses propres doigts...
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genoux cassés. on s'appuie contre n'importe quoi
contre un poteau
on fait semblant d'avoir mal, alors qu'en réalité on a vraiment mal
et comme on ne sait pas non plus en quoi consisterait, ne serait-ce que de loin, la réalité, on attend
on attend simplement que quelque chose se passe
on attend, comme ça, n'importe quoi, on sait pas quoi
- et c'est la mort qui vient. la mort qui vient enfin
qui passe
puis qui s'éloigne
à jamais.
la suite, il n'y en a pas.
franchement où vivre quand vivre ne sert à rien, si ce n'est à Dunkerque
tout ne peut être que beau quand on ne vit pour rien, et l'horizon saumâtre, à Dunkerque
je n'ai jamais trempé un pied à Dunkerque - triste de gâcher ma tristesse loin des flandres et cependant si proche
de mon cœur froid
et des algues chagrines....
je lance un bout de bois
mon chien ne court pas le chercher: je n'ai pas de chien
je m'en vais d'un autre côté - qui sait de quel côté il est né?
sa mère lui a peut-être raconté si c'était par la tête ou par les pieds, par le ventre ou naturellement par l'orifice conçu à cet effet, si c'était un garçon ou bien une fille
d'autres comme moi sont nés sans mère, spontanément
ex nihilo
et vulgairement.
quant au bout de bois, je le lance et je m'en vais
d'un tout autre côté
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on ne vit pas hors la proximité de l'abîme, qu'il s'agisse de la mer, de la mort, ou d'une quelconque gare routière
on ne vit pas loin d'un vide où le regard ne rencontre plus de limite, ne se heurte plus au mur d'un miroir
on ne vit pas sans une fenêtre ouverte sur rien, exacte architecture de l'au-delà.
entre le néant et l'amour, entre l'effroyable plaisanterie et à genoux le oui, je ne choisis pas
quelque chose me dit que le jour se lève et tombe à l'intérieur d'un même jour
quelque chose me dit que là où il y a encore une place où mourir, il doit y avoir aussi une place où être
or je me refuse tant à sauter dans le vide qu'à plonger dans la grâce. terre d'exil - ne se sentir chez soi que dans l'exil intime et permanent
ici tout comme ailleurs, dès ici car ailleurs....
assis là dans l'immense, vogue le banc, bien boulonné au vide
assis là n'importe où, ancré dans une tendre indifférence
les morts pleurent dans mes yeux des larmes de tendre indifférence
la main ne se tend plus, de donner ni de prendre. je laisse simplement
se poser un instant sur mon bras
le papillon
- ou ne pas s'y poser....
enfin, inondé d'un oubli limpide, la question cesse de se poser
engendrant la lumière qui finit par t'illuminer, tu restes là à te dorer au soleil d'en-dedans
vidé jusqu'à la plénitude, tu te contentes dès lors d'être, rassasié de rien
plus un chemin, plus de nœud ni d'obstacle, l'horizon-même résorbé:
tout ivre d'un oubli limpide...
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aimer
ne sert à rien.
ma maison n'avait plus de roues, j'étais tranquille (cet horrible vert des prés...)
je ne me suis pas tué parce que ça ne sauvait de rien, je crois
et puis j'en avais pas envie.
il y a toujours une attente, un genre de désœuvrement inné
un manque auquel on serait accroc, les cacahuètes convulsives du temps
une seule chose au fond n'existe pas: le point final.
entre vivre et survivre on hésite encore
survivre accroche mieux au ventre, c'est vrai...
heureusement il y a le fleuve, là, dédaignant le luxe de l'oscillation
et les choses non-vues au fond, et qu'on laisse en l'état
parce qu'il vaut mieux sans doute n'avoir fait
qu'en rêver....
ce que j'aime dans le poème c'est que je suis mort
et qu'à chaque instant j'y peux
ressusciter.
ce que j'aime dans le poème c'est l'illusion, petit canard boiteux,
que j'eus pu être...
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