•   j'ai jeté la pierre dans le puits et j'ai attendu que ça fasse plouf. je ne sais pas si je me situe actuellement avant le plouf ou bien après, mais une torpeur m'envahit, un silence m'assourdit, j'ai l'impression de m'être déjà trouvé ici exactement, avoir vécu tout ça - hier peut-être, ou était-ce donc ici, là maintenant, hier déjà...

     

     

      je me mets à fredonner dans le noir. pas pour me rassurer non, cela ne me rassure pas - juste pour occuper le noir. dans le noir c'est autre part, j'entends ma propre voix. ma propre voix affirme qu'elle entend ma propre voix. je ne la crois pas bien-sûr, alors je chante un peu plus fort, cette fois-ci pour la taire...

     

     

      je mange dans le creux de ta main quand tu me tends ta main en creux. parfois il n'y a rien à manger alors je lèche ta paume parce que je sais que tu me tends la main pour ça, pour que je te lèche la paume, le poignet, les doigts... quand tu en as envie aussi je comble tes désir sexuels, je libère tes pulsions, j'assouvis tes fantasmes et quand tu n'en as pas envie je reste assis par terre à regarder ta photo des heures durant, des heures durant et sans penser à rien...

     

     

      j'avais bien raison finalement d'éclore dans l'écosystème, petite flaque bien pâle étalée dans un creux. je crois bien qu'un têtard entré par le nombril remonte en ce moment ma moelle épinière. je ne dirais pas désespérément, non, mais sans nul doute tristement cherché-je à gauche à droite autour de moi, ma main gauche ou ma main droite peu importe la main, juste pour me masturber, et ne trouve finalement qu'un peu de paille mouillée, les doigts gelés d'un avorton...


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  •   lundi, la tête la première ou le landau à voiles. depuis que m'ont quitté certains fantômes j'ai l'impression d'en être devenu un - épaisse couverture nuageuse, lambeaux de jour épars, de rares averses matinales...

     

     

      il y a toujours quelqu'un assis là en face de moi et c'est précisément personne, qui ne me regarde pas mais par lequel je me regarde, moi, le côté sage du paysage et confortablement, comme qui dirait, désemparé...

     

     

      la mort dans l'âme, j'enjambe mon mouchoir - je crois bien l'avoir même un peu piétiné. tu me dis allons bon, tu vas pas faire une histoire pour un peu d'boue sur un vieux bout d'drap que d'toute façon t'as déjà souillé de mille façons et infections! n'empêche que j'arrive pas à me baisser le ramasser ce mouchoir-là - mon mouchoir. j'arrive pas à me faire une raison j'arrive pas, à la consolation non, j'arrive pas.

     

      ras des pâquerettes


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  •   très doux par où mourir, et de l'autre côté très doux aussi

     

     

      les bonbons-féeries, les presque-riens, les fonds d'clochettes...

     

     

      ces bouts de phrases en libre chute, ces jets de mots malencontreusement tombés sur le papier, ces cailloux soutirés à la mare: voilà tout ce que j'aurais réussi à sauver du naufrage...

     

     

      je ne fais plus qu'un pas sur deux - ça économise l'espace et ça va beaucoup plus vite. le pas manquant me sert de suspens, de refuge hors-sol, loin des bords ou des volées de bois vert

     

     

      on se prend soi-même par la main et on se mène jusqu'à la route, au bout là-bas, tout nu à la grille d'entrée de l'école maternelle ou au bord de toute autre fosse commune. puis on se lâche la main, s'encourageant allez, vas-y maintenant. le temps de se retourner et y a déjà plus personne: on n'est déjà plus là

     

     

      comme un tas de ballons bleus avec une aiguille, il faudra les crever un à un, ces silences d'alors et de tantôt - embrocher ces carpes et ne pas les rejeter à l'eau tant qu'elle n'auront pas rendu toute leur âme...

     

     

      les hommes sont allés à l'école, mais d'abord ils ont eu froid. le froid vient toujours en premier. les claquements de dents te réveillent toutes les deux ou trois minutes, jusqu'à ce que tu parviennes à les contrôler, puis te dissolves à nouveau. après seulement tu vas à l'école et tu ne te sépares plus du radiateur, tu aimes son odeur 

     

     

      tu parviens à cela et cela s'envole, à chaque fois
      comme on fait s'envoler un pigeon, de grâce

     

     

      à un homme qui a mal aux yeux tu offres la moitié de tes lunettes. ou tu lui conseilles de fermer les yeux, lui assurant que ça le soulagerait. ou encore tu peux lui baiser les paupières en imaginant que ça puisse le guérir, par miracle, quoique tu ne te connaisses pas de tels dons. les yeux malgré tout ça continueront de lui brûler. on n'y peut rien, il n'y a rien à faire - lui seul le sait, en a l'intime conviction

     

     

      pour de faux. je suis pour de faux. achète-moi quelque chose


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  •   sois tous les yeux d'un animal: grands, violents, lumineux...

     

      mon ombre phosphorescente - pas la peine d'en faire un miracle

     

      et d'abord cet hiver, cet hiver intérieur
      qui gagne du terrain...

     

      pas de concombre en décembre, non, pas de concombre
      du chou, du chou, rien que du chou
      et toujours pas de neige non plus, pas un flocon

     

      aurons-nous jamais assez pitié l'un de l'autre?

     

      il aurait simplement fallu que les choses fussent exactement ce qu'elles sont

     

      il pleut partout
      mais sous l'béton
      on est bien

     

      presque mais non

     

      la mort est un homme mort

     

      et de crever les yeux en moi qui te regardent...

     

      quand on les rouvre on s'aperçoit tout bonnement qu'il n'est plus l'heure, que la bouche a coulé

     

      ce ciel est un homme mort, mais pas suffisamment 

     

      puisqu'il est mort je vous dit, puisqu'il est mort, ou presque

     

      c'est rien, c'est juste un bloc de sable
      qui fuit un peu sur les bords

     

      et si j'avais jamais et si jamais j'avais été
      un homme mort?

     

      bon, et qu'est-ce qu'on fout maintenant?

     

      l'autographe


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  •   le paradis demeure vide, inhabitable
      les hommes exhibent leur nombril, les kurdes regagnent leurs villages
      - tout continue comme avant finalement, l'extase et la pitié en une même tendresse
      de nouvelles chansons sans cesse, de nouveaux corps meurtris pour répéter à l'infini
      la même la banale, insoutenable
      histoire d'amour...

     

     

      à chaque bouffée
      d'air ou de quelque chose qui s'y apparente
      à chaque trouée
      dans l'idée que quelque chose existe, ou s'en ressente
      à chaque murmure 
      d'une vie délabrée, nue sous sa robe de deuil
      tu crèves un peu plus, un peu plus tu t'enfonces...

     

     

      je m'en vais. je m'en vais comme on s'en va, le regard vide, les cheveux sales. je m'en vais sans me lever, sans l'amorce d'un pas. je m'en vais

      je m'en vais puisque c'est la seule chose que je sache faire, la seule chose que je puisse faire. je m'en vais sans raison, par instinct, ou juste parce que ça fait mal

      je m'en vais. depuis toujours je m'en vais. je m'en vais sans arrêt, par moments ou par dépit. je m'en vais je décroche - inutile d'appeler...

     

     

      vider
      se vider
      de tout penchant, toute inflexion
      se vider d'affection
      jusqu'à s'effondrer nu
      et le cœur mort
      supplier, non même pas
      à peine articuler
      la pensée en pensée
      la cervelle bredouillant dieu,
      abandonne-moi, dieu,
      n'aies pas pitié
      de moi
      : efface...


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  •   passer sa journée à glander, gentiment se saouler, ou pas, jusqu'à ce que terre s'embrase (cf St Jean, Ap)
      peut-être paresser même, et pourquoi pas chanceler, quoique bien ancré à sa chaise et levant la main à la bouche pour je ne sais quelle grandiose aberration:
      retenir un dernier souffle, le bâillement de trop? décocher un ultime baiser à la poule en vélo? dire adieu au temps qui passe et ne repassera pas?
      ou plus prosaïquement retirer un truc resté coincé entre les dents depuis midi déjà, et qui commence à me gaver...

     

     

      eh oui, les poux copulent jusque sur la tête des saints...
      on dirait même qu'ils y prennent un plaisir tout particulier, y trouvent en tout cas un refuge certain
      il faut la patience, de durer
      le jour de ma naissance, m'apporteras-tu des fleurs?
      ou faudra t-il que j'aille moi-même les chourer 
      au balcon des voisins?

     

      

      il émane de ces cieux une telle tristesse - comme pour en amortir l'objective cruauté peut-être... -  une tristesse si profonde, et profondément belle, boue grise en laquelle se confondent la douleur et la résignation
      il faudrait alors mourir, mourir comme le font les bêtes: soumis, sans révolte, ouvert au précipice...
      mais là j'ai pas vraiment le temps, et en plus c'est jeudi, mon jour de chance comme on vous l'a déjà dit
      - mais sans doute n'écoutiez-vous pas...

     

      et en plus c'est jeudi, mon jour de chance


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  •  
                                                                           *  


      désormais pour la guerre c'est chacun contre soi

      à l'âge où un homme ne lutte plus que contre son ombre, une ombre plus grande est venue le châtrer, lui ôtant jusqu'aux larmes de son combat

      alors il a dit pouce


                                                 *


      je tourne le dos à la méfiance - tant pis si elle me fout la main au cul

      quel centre, dont se rapprocher?
      le véritable but glisserait du sens au rapprochement

      or tout s'éloigne, et moi de moi...


                                                 *


      car du fond du pire même s'élevait un vide sans terme, un ciel nous bordant, médecin-légiste ou plantureuse dame-pipi

      un ciel enfin, dont l'écho rond embuait nos mains au fond du puits, cent-balles insérée dans notre faim

      les os claquant au vent glacial qui nous revenait d'en-dedans...


                                                 *


      tu meurs avec moi, c'est à dire que je me quitte, néant les cuisses écartes

      un deuil sans fin brume mon temps, ma substance, givre mes os

      l'idée d'un être, un seul, brûle ma soif

      pleure sur mon corps, lui dis-je, ravalant tout ce qui pouvait encore l'être...


                                                *


      pas les yeux de vivre derrière mieux vaut s'arrêter là

      je ne suis capable que de pitié ou de maudissement, pèle-mêle s'entassent corps et rêves

      des morts se masturbent au jardin, ce ne sont plus les miens, toute joie me répugne

      je crie quelque part, quelque part ne me répond
      pas


                                                *


      j'ai fini par livrer mes tombes
      aux pilleurs de tombes

      je dansais sur les caillots d'une fille agressée, comme s'il faisait jour comme s'il
      avait jamais fait jour

      flotter ne coûte rien, croyais-je
      ni sombrer semble t-il, sans comprendre pourquoi

      ou c'est selon

     


      gethsémani


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  •   c'est juste à côté tu verras, on n'attrape que dalle
      éloge de la défaite, chaussette reprisée
      en bout de ligne pend la langue tarie, la rivière assoiffée
      ... PÊCHE INTERDITE

     

     

      on croit regarder la nuit et c'est la nuit qui se regarde
      à travers ton œil blafard, petit miroir crasseux
      tu te pèles la queue sur un bris de mémoire rayée, tu te ratures la gorge à grandes enjambées - rien n'aboutit
      rien n'aboutit de ce que tu n'ébauchas point sers-moi un verre, un autre encore,
      un dernier verre enfin

     

     

      je fais le mort
      à plat ventre sur la croix d'un chemin cinétique, trois petites crottes le chemin, trois petits points
      de suspension...
      hors je fais le mort, en dedans je respire, je respire assez, assez mal cependant
      je t'en offre une douzaine, espérant sans vergogne
      récupérer l'monnaie...

     

     

      Caïn, gentil Caïn, vas t'en border
      ton frère

      les secondes sonnent creuses, le pneu de vivre à plat - qu'attends-tu là, qu'attends-tu donc?

      j'ai sucé de ta cuisse, j'ai mâchonné la menthe, rien ne m'interdira d'attendre
      ce qui ne viendra pas, coutelas et limace, fleur fangée des lilas...


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