•   ces vieilles dames me seront d'un secours catholique. elles me serreront dans le gras de leurs bras, sentant  le savon au lilas et me soufflant leur haleine fétide
      une fois vidé, il leur faudra me laver, me pouponner me vêtir, placer l'obole et fouiller une dernière fois les poches de mon veston voir si on y a pas oublié quelque bifton 
      que ta nourriture reste simple et déséquilibrée - thé et cacahuètes feront l'affaire pour les neufs mois à venir
      plus tard il faudra penser à ne pas réagir, ni à la douleur, ni à la douceur. c'est en vain que ces diablesses te chatouilleront les couilles - c'est dit c'est promis juré verrouillé: tu ne ressusciteras
      point, même chez les morts

     

     

      aucune vie ne vaudra ni ne remplacera celle que je n'ai pas vécue. d'avoir marché trop longtemps on finit par s'oublier et parler tout seul à voix haute, ou chanter à tue-tête jusqu'à épuisement
      quelqu'un s'appuie sur moi et c'est la raison pour laquelle il me faut rester droit - tout un dieu vas savoir, ou alors une petite migraine, un ciel sous couvert de parapluie
      tu auras beau t'échiner, t'écrier à la ronde, à moitié fol ou folle "y en a pas! y en a pas!", les choses resteront telles qu'elles sont, les non-choses telles qu'elles ne sont pas - c'est un ordre précaire mais c'est un ordre quand même, un chaos mal rangé
      par là, je veux dire que je ne donnerais pas cher de ma peau, mais je n'ai pas de grand besoin non plus

     

     

      ça me fiche le tournis, ces voltiges en rase-motte, ces peines de corbillard, un jour je me suis mis tout nu et tu n'as pas détourné le regard
      quoi qu'il en soit, j'ai perdu connaissance et je ne réponds plus de rien, ni à tes lettres d'amour ni à tes appels de détresse. je me lève avant l'aube et comme tout homme au réveil j'ai droit à une érection gratuite bien qu'encombrante
      il est temps de ne plus savoir comment, de ne plus en croire ses rêves et de se retourner dans sa tombe, sondant l'inanité de l'être pour finalement t'offrir sous le coude un tout petit bouquet
      de perce-neiges...


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  •   on ne peut vivre sans respirer et inversement, cependant nombreux les hommes et les femmes s'évertuant à compter jusqu'à trois
      au bout de nos peines nous accueille l'éternelle paresse, l'oisiveté sans borne et le quatre-heure moisi des enfants du quartier
      ceux qui se seront perdus chercheront bouche cousue leur maman dans la grisaille d'un ciel à hauteur de leur déchéance
      il faut de tout pour faire un homme, mais avant tout respirer, respirer longuement, respirer profondément par les trous de son nez, les poumons etc
      l'âme viendra plus tard

     

     

      parti au singulier, revenu universel, reparti sans le sou les mains engoncées jusqu'aux coudes dans leurs poches, et de triste élégance
      j'ai placé un haricot blanc sous ton oreiller, afin que tu tombes enceinte - au matin j'ai vérifié: quelqu'un l'avait mangé
      il va mourir tout seul, l'homme qui marche à côté de soi-même, enjambe la flaque de son ombre, esquive ses propres jambes
      il va mourir seul comme seul il a bercé la vie de tout un faux espoir et sans doute plus qu'il ne pense, de l'eau à son moulin nous lui en sommes reconnaissants
      l'oubli ne défraie pas la chronique

     

     

      mes parents m'ont oublié tout au fond du panier. quand perça le panier je m'enfuis par-dessous, branlante porte de secours - il n'y a pas de salut joli
      un homme vint alors et sauva tout le monde. quand tous furent sauvés il repartit en direction du sud - il a probablement du emprunter un pont
      que faire désormais de la mort? comment retrouver son chemin, comment se perdre en route? à quelle source remonter, à quel bois se chauffer? combien de cailloux dans la main droite?
      rien. je vais juste te caresser le ventre, tourner la langue dans ton nombril jusqu'à la transe et puis retour - vaste le pays, paisibles les troupeaux
      et toujours pas plus de gloire à vivre que de honte à mourir

     

    le vieux Karpouz'
      


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  •   le long du canal saint martin c'est pas moi qu'a crié gare
      je n'ai jamais crié, du fond des gorges aux trois non-lieux, trop pauvre pour ça
      c'est maintenant que je crie, maintenant que je suis sûr de ne pas être entendu, le doigt cassé
      moi qui ne souffre pas, ne sachant comment ça marche, à pleins poumons j'abrège ma
      souffrance

     

      

      je ne sais pas comment te dire. je pourrais te mentir mais tu ne me croirais pas. je ne sais plus comment te mentir
      je ne me laisse pas mourir et lorsque je te supplie laisse-moi mourir, ce n'est pas pour dissimuler que c'est moi qui ne me laisse pas mourir, c'est pour te supplier de me tuer
      c'est à dire m'abandonner, m'écraser les doigts, ne pas commettre de trace - on n'entend pas la porte se refermer derrière toi, derrière soi
      peut-être qu'elle ne se referme tout simplement pas, que c'est une porte sans serrure, clenche, gonds
      ni chambranle... 

     

     

      l'inaliénable en l'être, on l'écrase à quasiment chaque pas. et il ne gémit pas
      du moins on ne l'entend pas - mais moi je n'entend que ça. à la fin c'est comme si ma propre mort ne me regardait pas
      d'aussi loin que je me souvienne, et de plus loin encore, j'étais souillé. cela non plus ne me regarde pas
      j'ai beau écarquiller les yeux je n'arrive pas à me regarder, ni à rien voir d'autre que le vide
      qui ne me regarde pas, œil inflexible 


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  •    t'avais la rivière et t'avais mille petits poissons, qui ne manquaient de rien
      un homme sur le pont ce n'était pas le pont mais un homme, sur ce pont
      et qui manquait de tout, les poings si frêles dans leurs immenses poches
      t'avais la rivière et t'avais rien du tout, l'inemploi du temps faisant l'aller, retour

     

     

      couche-toi tranquille le long de moi et ne m'apparais plus. ne m'apparais plus, s'il te plait
      c'est un éventail de cartes postales - on y entre comme on en sort, balle perdue dans la propre cervelle
      si j'étais mort je ne serais pas mort, et je ne serais pas là, n'y pensant plus  si j'étais mort non plus, j'en serais pas là

     

     

      il y a un homme qui ne dit rien, simplement qui se taisant dit qu'il ne dit rien, et qui le dit quand même
      se taisant.
      il y a un homme qui se tait, quoi qu'il dise il se tait, c'est noctambule. il a beau dire il sait qu'il ne dira
      jamais que rien.
      il y a un homme comme ça, juste pour rire, sauf que ça ne le fait pas vraiment rire, ni personne
      en l'occurrence.
      disons qu'il n'y a pas d'homme.

     

      lassé tant de soi que du mépris de soi


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  •   je me retrouve avec soi, tout contre soi, homme à la mer, pierre angulaire d'un vide indivisible

     

     

      les lieux dont on arpente l'incommensurable béance, communs ou singuliers
      tout juste perdre pied...

     

     

      les derniers chemins n'ont rien d'incertain - ils virent selon le vent
      s'attablent au ventre vide

     

     

      jonas ayant avalé la baleine, il ne sût plus où ressusciter, par quel moyen retirer sa queue
      du ventre chaud d'hélène, la naufragée

     

     

      je ne me retrouve pas, désert en ce souci - ni à la glace chauve, miroir aux alouettes,
      ni si loin de chez moi, chez moi d'un tel émoi

     

     

      mourir vainqueur, je ne m'y attendais pas
      j'en étais resté là, queue basse et ventre creux

     

     

      la mort venue je fus poisson, girouette des grands fonds - j'arrivais à peine à ta cheville, soquette blanche oh de mort lente...

     

     

      on pouvait se jeter nu du haut de notre plus vain espoir, on ne s'en écrasait pas moins, miroir en contrebas,
      sur le futile désespoir

     

     

      j'étais heureux, pour rien - simplement d'avoir en cet instant oublié de 
      ne pas  l'être


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  •   c'est la terre qui danse 
      sous mon pas, ou est-ce moi
      qui m'enlise, lèvres gercées,
      vulve grippée?

     

     

      j'avais peur de mentir, or j'ai menti quand même
      j'ai menti quand j'ai dit j'ai nulle part où dormir, j'ai nulle part où mourir (ce banc fera l'affaire)
      j'ai menti quand j'ai dit dieu me terrorisait, l'heure se recroquevil-
      lait - j'aurais jamais du
      mentir mais c'est trop
      tard, trop
      tard.

     

     

      le point de non-retour coïncide à l'abolition de la mémoire, c'est à dire à la perte étendue
      de toute identité. peut-on alors "être" du seul souvenir de l'oubli, pour tout poème un souffle, un peu
      de buée, une légère expiration de gaz
      carbonique

     

     

      j'ai peur
      j'ai peur que tu te rendes compte enfin
      de mon néant
      le plus total

     

     

      et la nuit n'en fera
      guère le tour 
      l'échelle tombera, se brisera l'échine, la route se pétera
      les g'noux - personne au rendez-vous: il restera ce lieu hanté
      par notre absence...


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  •   j'attends donc là
      patiemment
      que le jour se referme
      sur ma maigreur

     

     

      qu'un autre jour, certes plus vaste
      me tombe dessus, me tombe dedans
      certes plus vaste, je n'en
      sors pas

     

     

      en oiseau-chien
      je m'envole pas, je reste à terre
      je me condamne, je me mords l'aile
      j'aboie à vide

     

     

      il faudrait rentrer à la maison, mais des deux côtés de la porte c'est le même vide, la même odeur de vide
      y plonger
      ne nous en débarrasserait
      pas

     

     

      ça délivre un peu l'immense, en attendant le
      déluge de l'immense
      : on meurt par petits bouts
      puis tout d'un coup

     

      ce silence alarmant
      


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  •   qu'il tienne bon, qu'il tienne bon mon amour, au fil du carbone

     

     

      l'espace vide, grand ouvert du temps est déroutant
      j'y déroute quand même, savamment désinvolte

     

     

      les hommes ont des trépas. ils appellent ça la mort or la mort
      ne leur en veut pas

     

     

      je meurs les uns
      après les autres. tu me remplaces sur la brèche, tu me remplaces partout avec tes hanches
      illégitimes

     

     

      et moi je les trouve très bien, déferlant sans succès. alors je bave dedans. c'est net

     

     

      il n'a pas d'antécédent. il se promène nu
      entre les clous, tanguant sur sa planche de salut, quoiqu'il s'agisse de pure
      déréliction

     

     

      c'est pas la boite
      à chaussures des extrêmes, il ouvre la fenêtre et la fenêtre
      n'en profitera pas

     

     

      tel un présupposé j'aimais perdre je trouvais ça
      plus émouvant, et de savoir qu'il reste toujours
      quelque chose à perdre en plus de soi

     

     

      il fait gris ça amortit
      un peu la chute
      ça la suspend à la douceur inerte, ça lisse l'inutile

     

     

      non, pas de trop - juste de quoi
      déborder sans payer
      sa rançon


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