• les marges chérubines


      Enfant, je suis quelques années durant resté mutique. Plus étrange que ce silence-même, le fait que ceux auxquels il s'adressait ne s'en rendirent pas compte, ou ne s'en soucièrent pas. Peut-être parce que ceux-là justement m'y réduisaient, que ma mutité les arrangeait, ou encore qu'ils se sentaient impuissants face à ce dérisoire rempart que j'opposais à leur odieuse ingérence, à leur abus permanent de pouvoir. Je ne disposais en effet que d'un silence abstentionniste pour me protéger de leur inconsciente hostilité, de leur irrationnelle soif de domination.

      Ce que les bruiteurs ignoraient, ignoreront toujours, c'est à quel point parle le silence, en paroles qu'il ne livre qu'à soi-même. S'excluant de l'oppression, du vacarme, de l'arrogante futilité, le muet se voit contraint de reconstituer en lui un monde vivable, respirable, ou mener à armes plus égales les combats qui seuls importent, et dont l'issue dépasse de loin le seul salut personnel.

      Un poème peut-être, si anodin qu'il semble, constitue t-il la clé de voûte de tout cet univers branlant, la vaste usine à gaz, château de sable mouvant sur son propre et incertain reflet - l'automne tout entier ne repose t-il pas sur la paume rouillée d'une feuille qui tombe?

     

     

    les marges chérubines

    « travail de sapeles émancipations rossignoles »

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