• et tu t'en ailles

      j'avance
      là, j'avance
      j'avance comme il faut, c'est à dire devant
      j'avance en points de suspension, avec circonspection aussi: j'avance à pas de loup
      un peu comme si je me trainais à plat ventre sur le gouffre, la surface limpide du gouffre
      du gel à la pluie dirions-nous, de l'effroyable lucidité à la tête penchée de la mélancolie
      - tu disparaitrais au moment même où je t'effleurerais, et j'aurais joui pour rien

      .

      quant aux finalités, pourquoi ne pas s'exploser la goule?
      un débris tout entier prenant pitié du mauvais sort, concentré sur les caps'
      c'est antigone qui m'a appris ce jeu - je revenais de cythère, elle avec ses longues dreads
      venait d'enterrer son frère:
      sur le goulot d'une bouteille de bière vide tu poses une capsule, et avec une autre capsule t'essaies de la dégommer
      c'est envoûtant, pas forcément érotique, et ça enseigne sur les finalités
      sinon tu observes la lente dérive intérieure des corps
      jusqu'à ce qu'un jour, préférant mourir, tu te lèves de là, un vide infini plein le crâne
      et tu t"en ailles

      .

      ils partent à deux, mais toujours reviennent seul
      ou ne revient que leur ombre, épinglée à un ciel hagard
      j'ai gardé un éclat de peur tout au fond de l'œil droit, certains vieillissent prématurément
      moi j'ai conservé la peau lisse, sans ride, d'un homme qui aurait prié ou tué beaucoup
      beaucoup trop pour s'embarrasser de remord ou d'espoir
      - ils partent à deux, mais aucun d'eux ne revient. on se perd comme on peut...

      .

      la nuit de la saint barthélémy , j'étais sorti pisser tranquille sous le champ des lucioles
      se caresser longuement la barbe
      faire jouir sa prochaine, juste parce qu'elle en a envie et qu'après tout c'est la saint barthélémy
      entendre vers une heure du matin gronder les bombardiers, sortis promener leur trucs enrichi à l'uranium appauvri et rentrer vers quatre-cinq heures vidés, fatigués et repus
      vivre radioactivement et rétrospectivement, les mains en suie
      - avoir vécu ne sert à rien
      vivre passe le temps
      il ne faudrait pas rater sa mort en compagnie d'un mort...

     

      et tu t'en ailles

     

    « par de très incertains chemins, l'unique et la voyancela pomme de l'innocence »

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