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On s'est assis
là comme des dieux ne partant pas en mer, un matin de pitié
ne quittant pas le lieu
sûr du rivageOn s'est assis, on n'a rien dit
on a tressé nos regards sur un même horizon
sachant déjà que l'horizon serait le dernier mot, le dernier souffle
tout ce qui resterait de nous après nous...Et nous restâmes assis
ainsi voguant
dans l'intuition de ce que serait l'éternité
si nous n'y perdions piedOn s'est assis
là près de l'un
l'un près de l'autre aussi
on n'a rien dit
rien ne soufflait
tu t'es baissée pour te gratter le mollet
- il faut bien se gratter, de temps en temps...
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je sais, je sais je n'étais pas beau
ou pas encore du moins
les chiens déjà aboyaient pour un rien, ou dormaient dans un coin en attente du jugement dernier qui les condamnerait, quoi qu'il en soit,
à n'être que ce qu'ils sont, mener la vie qu'ils mènent, incarner leur destin
ainsi en va t-il de nous autres, me diras-tu
non, tu ne me dis rien
il n'est plus nécessaire de dire quoi que ce soit, mais d'aller
de se dévider et ce faisant de dévider le fil du temps tout entier
un peu comme si l'espace n'était qu'une extension, qu'une extrapolation de l'aile,
ta bouche le feu où se forge ma gloire
- mais là tu dis stop, non, pas dans la bouche.
j'avais toute pitié
je savais de toute pitié
je désirais toute pitié
le jour donc est tombé, vertical
tu t'es serrée un peu contre moi
- l'étrange dans cette histoire c'est que tu n'existes pas, alors que n'a jamais existé que toi
mais plus étrange encore, c'est que moi qui la raconte, je n'ai jamais été non plus
et qu'une histoire se dit pourtant
une histoire qui parle d'une non-histoire, ou de toute histoire
et qui parle avant tout de pitié
de la toute pitié
de celle aux yeux cendres, de celle aux jours noirs de l'inrésurrection
des jours noirs tout court
de l'éclipse tout court
de toi, à jamais insondable, à jamais insensible
et toute là contre moi
déjà partie
omniabsente...
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accueille, recueille les gouttes d'absence
et les distille en quelque chose de plus
qu'un dé à coudre, à recoudre le hasard
sur la peau du tambour bâté,
et puis jette-toi
au vide jette-toi
juste pour voir sur quoi
tu finiras, peut-être,
par retomber.
le vent dans les veines, les claques à pleines joues, respire
respire l'odeur du jour, la vertu des énigmes
- j'aime encore à ta peau relécher le chagrinil fait moins froid maintenant, le cœur est plus léger à perdre
le dérisoire prend des airs sublimes
- tu t'habilles n'importe comment, te déshabilles
à peu près de la même façon...enfin la mort est là, à cloche-pied à croche-patte
tu ne joues plus au sexe, aux doigts dedans ou aux aisselles
je crois que tu t'envoles, une fois une fois encore
cette fois pour de bon.
les pieds ne touchent plus le sol
le sol de son côté hésite encore
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évidemment pour un être d'absence, à une telle absence d'être, l'ivresse est nécessaire afin de retenir un moment le souffle et s'installer dans la présence, hors laquelle tout finit par faner, par dépérir, se volatiliser. je me suis tant abstrait que si je me croisais dans la rue je ne me reconnaitrais pas, à force d'être et de non-être, d'ivresse et de paresse confluant finalement dans un même égarement lascif, une indifférence extatique... la sidération du vide, les larmes dansantes la pupille chancelante : tout un clou de misère grinçant contre une marie de verre...
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j'ai mordu le pain dur, le pain sec
assis là sur un banc, j'ai même
mangé pas de pain du tout
j'ai mordu le vent sec, la bruine incompatible
mangé la bruine de pain, le pain moisi
- alors je suis parti, assis là
sur un banc.
comme c'est drôle, le vent dans les yeux
qui fait pleurer les yeux
alors qu'il n'y a pas de raison de pleurer
sauf peut-être à penser qu'un homme
est un chemin sans dieu
le spectre d'une absence, un trou de ver dans le bois d'une croix sur laquelle dieu
meurt pour rien
n'en finit pas d'agoniser
pour rien
pour rien si ce n'est
pour que la mort soit
pour que dieu soit la mort
et qu'ainsi la mort soit
le lieu
de notre désolation
heureuse
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tu t'en vas
sur la montée des eaux tu n'as pas grand chose à ajouter
tu penses qu'elles finiront bien par
se retirer
peut-être même que tu n'en penses rien après tout
un bonheur m'a craché au visage, tu te dis
et tu t'en vas
plutôt bien portante quoique tout à fait prédestinée
à crever.
on se parlera
on se parlera d'accord
on se dira
pas grand chose
on se dira on prendra
l'air de rien on prendra
on se touchera presque pas
on se
touchera pas on se
regardera ailleurs on se
ailleurs
mais jamais là
non, pas là - ailleurs
ailleurs d'accord.
parfois, parfois tu dors
alors je me promène, de long en large à travers ton sommeil
je fais semblant de me
reconnaitre...
parfois, parfois tu veilles
et rien ne vient m'enlever l'écharde
rien ne vient crever dans le creux de mon ventre
- je rentre bredouille
dans l'ailleurs absolu.
il fait beau
si beau qu'on se croirait un autre jour
parfois je gobe une mouche, parfois
une mouche me gobe...
c'est une promesse mouillée
elle ne peut plus brûler alors on se tait
on ferme les yeux
on regarde à travers les paupières baissées et on suppose qu'il fait beau
si beau qu'on se croirait un autre jour
une autre vie.
étourdir, battre des cils
tremper ses os dans la chair chaude, le drap
mouillé
- c'est tout ce que j'ai su faire et tant pis si on appelait ça l'amour...
je m'estompe
je sens que je m'estompe
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mais sans le miroir, vos filles n'enfanteraient plus!
dieu en son néant sourit en entendant cela
- ainsi se déplacent les dunes....
est beau là où l'on s'efface; où l'on s'efface il fait beau
la nuit penche d'un côté; et la nuit penche de l'autre
où il fait beau tu t'effaces; tu t'effaces et c'est beau.
l'horizon par dessus les murs ne me rappelle rien, ne me rappelle pas.
je vivrais au beau milieu
des champs,
futile et nécessaire.
j'attends que ça passe
puis je me poserai au fond
en ce qui seul demeure.
par dessus les murs l'horizon, parait-il
alors on a creusé un trou
on a creusé un trou
- alors on a creusé un trou...
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ça fait quarante jours quarante nuits que je ne dors pas. le minimum vital. le minimum vital c'est quoi. le minimum vital c'est ce qui retient de mourir dans l'immédiat. c'est un état d'urgence. un état d'urgence dans la durée. quarante jours quarante nuits. aucune urgence. ni la vie ni la mort - quelque chose entre les deux. entre les deux est bien le lieu de mon exil. entre les deux est bien le nulle-part où l'on s'entend soi-même. entre les deux est un mouchoir que le vent remue, et l'on croirait qu'il s'agit d'un adieu si seulement il y avait là quelqu'un qui partait, quelqu'un qui restait. mais non : personne. rien que du vent dans un mouchoir en forme d'adieu, en forme de rien, en forme de vent dans un mouchoir.
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je me fous qu'il n'y ait ni sens ni raison. je ne veux aucune justification, aucune alternative au rien. je n'ai pas de passé - tout ne fut qu'alibi, argument du rêve éveillé. ça n'a jamais existé. je n'ai jamais existé. Maryja Kieliszka n'a jamais existé. je ne l'ai pas rencontrée un jour contre le gris à Gdansk en 1994. et l'avant-veille de mourir dans un village tout pourri de Silésie elle ne me confia pas : "vole sans aile". tout cela fut inventé, fantasmé, pure mystification. son père m'expliqua qu'ils en avaient chié les gars pour creuser la terre par un tel gel, mais qu'ils ne pouvaient faire les trous à l'avance car il faudrait alors que des gens meurent pour remplir les trous. or on devait faire les trous pour les morts, et non l'inverse. dix heures du matin et exceptionnellement sobre le vieux, lui qui chaque jour de la vie perdait un enfant, tant vivre était souffrance, et toute pitié la vodka... et maintenant, une croix de fer forgée sur une simple plaque de ciment - Maryja Kieliszka. 05 08 1965 / 24 02 1999. par dessus la croix un ciel immensément vide, tel un œil sans pupille. un ciel sidérant de février, où la grâce ne se distingue plus de la crucifixion. il n'y a plus rien te dis-je, que la solitude se cramponnant à elle-même pour ne pas se dissoudre dans l'absence définitive, libératrice, et tout aussi fictive. on dira ça comme ça. et toi à travers le néant tu me dis simplement, comme si tout était simple : vole sans aile...
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lettre de l'homme se distingue en ce qu'en lui déjà le mot cesse d'être le signe d'une chose pour devenir le signe d'un signe. déminéraliser le langage ne passe pas par un douteux retour à la chose, mais par la réactualisation du vide (blanc) dont le mot se fait signe et sang. pas de référent religieux spécifique - seule marie endormie sur la natte, un chien (noir) soupirant dans son rêve à ses côtés, et dehors la voix de l'enfant, clapotis de billes tombant en cascade sur les marches mi-ombragées du perron
vers seize heures, imaginons que se lève une brise.
je n'ai jamais eu de talent. force de constater qu'il n'était pas indispensable. seule s'avérait nécessaire la soif. la soif de sens, de son. la soif d'être, la soif d'abîme. la soif, l'expérience viscérale du manque, moteur premier, re-connaissance immédiate de soi.
on donne de l'eau à un homme. on donne de l'eau à une bête, une plante. même la femme ce matin dans la salle d'accouchement après avoir perdu son enfant a fini par demander à boire.un verre d'eau
un verre d'eau peut-être
nous sauvera
du naufrage
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