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montre-moi ta vie
montre-moi ta vie telle quelle, sans douleur
sans quartier
j'ai un peu peur ce matin, qu'il arrive quelque chose de mal
quelque chose de mal peut toujours arriver, même ce matin-là, où il est censé ne rien arriver du tout
je voudrais que quelqu'un vive à ma place, ainsi qu'on trouve un partenaire comme substitut à quoi, à la jouissance personnelle, à la faille originelle - à l'école
maternelle?.
un jour, j'étais mort
je me suis réveillé comme ça, juste pour aérer la pièce, secouer les draps, me laver le prépuce
je pleurerais si seulement existait quelqu'un pour m'écouter pleurer
le reste du temps je ne ferais rien, allongé sur un banc....
il n'y a pas de raison
il n'y a pas de raison, non plus
et puis tu meurs avant moi, pour ne plus y penser
tu seras là demain, ou alors un autre jour - qu'importe le temps?
il n'y a pas de raison, tu écartes les cuisses et tu demandes pardon
je demande pardon aussi, il n'y a pas de raison
il n'y a pas de raison non plus.
j'ai marché
j'ai marché tellement que j'en marche encore, même si ça fait trois quarts de siècle au moins
que je ne marche plus
- nous avons des enfants
nous avons des enfants sûrement
mais qu'est-ce qu'on en a à foutre, des enfants?.
c'est pas ma faute, c'est pas ma faute si tu dors pas - c'est la faute au sommeil, au sommeil qui vient pas
on quitte pas le rivage. il faudrait quitter le rivage mais on quitte pas le rivage on se demande
ce qu'on va bien pouvoir manger ce soir, même si on sait déjà
qu'on mangera rien
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donne-moi ce que tu veux, de toute façon je ne serai jamais assez saoul
je picore par ci, je picore par là, tel le faisan de Tchouang tseu - à la fin tu es toujours la même morte, mais sans les yeux
et les gens vont finir par croire que j'ai perdu quelque chose....
c'est dommage, j'aurais voulu te faire rire. mais tu as besoin de moi pour autre chose que pour rire probablement
je te prépare un thé ou un café - peu importe. je rêve que je souffle sur tes tétons. je ne rêve de rien en fait
demain tu me diras tu, comme d'habitude. et tu feindras d'ignorer ma gorge tranchée
après, on ira se laver le sexe.
il ne pleut plus nulle part, et les routes restent impraticables
les gens ont la télé, moi je n'ai pas de télé
les gens ont des amis, moi je n'ai pas d'ami
par ce froid de canard je ne sors pas - où sortirais-je d'ailleurs?
je me suis habitué à te détester, toi aussi.
il y avait un homme dans la glace mais je vous jure, ce n'était pas lui, ce n'était pas moi
une bouteille également, sur la table, presque vide, la deuxième ou la troisième, je ne sais plus
j'ai l'impression d'errer sans fin en ces landes lithographiques
aucun souvenir ne remonte, aucun espoir non plus, je n'ai pas mal au dos
et les eaux molles, tendres épouses, défont le dernier bouton...
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j'ai de l'eau dans les pompes
je reste là debout, comme un con, les pieds trempés
je n'en reviens toujours pas des mensonges dont mon cerveau est imbibé
qui partiraient peut-être avec le dernier désespoir mais je n'ai pas le dernier désespoir, pas même un doigt très vieux dans l'anus printanier
: je n'ai jamais eu le luxe de l'innocence, la vérole te ronge, tu fermentes dans le ventre du monstre, la tête penchée tristement...
en reniflant mes doigts, j'ai rêvé d'innocence.
j'écris contre ma tombe. j'écris de dedans ma tombe. j'écris parce que tant que je dis elle reste entrouverte, qu'au moins je puisse respirer, sortir la nuit pour aller pisser
et pourtant ça me coûte dur d'avoir à dire, à maintenir la fenêtre entrebâillée alors qu'au fond j'ai tellement envie de crever, de rejoindre le fond, où je ne serais plus
tu n'aurais pas du
sauter la ligne, tourner la page
- même si la photo effectivement
n'était pas très jolie...
.et puis il y a la pluie qui tape à côté. c'est comme une femme qui jouit sans penser du tout à toi, ni aux rêves que tu faisais enfant, quand survivre au temps, à la déraison et à la trahison constituait déjà tout l'enjeu
je ne touche à rien - ni au vent qui courbe tout ni à tes seins bien rangés dans le caveau de nos quinze ans
j'espère mourir bientôt - ça remplacera ta main cramponnée au mât quand dans ma tête claquait l'abîme...
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je connais mal - dis-tu - le sort, le destin, bref la meule du foin
à trainer dehors à tremper sous la pluie, la pluie hors du roman
peler un fruit, traiter l'amour de sa vie comme un commun objet sexuel, aller se coucher sans se laver les dents
tant de choses à faire, tant de choses à défaire mais j'abandonne tout, je laisse tout
pas de quoi fouetter un chat pour autant, ni même une vache sous la pluie, la pluie hors du roman.
arriver à ce point mort, le point mort tel que le fixe noriko, la petite poupée nipponne sur la table rouge où je t'écris
arriver à ce point mort comme au point le plus sensible, le plus vivant, le plus vulnérable
je n'aime pas que tu me regardes ainsi. il faudrait que je sois le trou béant de l'infini pour absorber ton regard-là.
je regardais mon zob et je vis que j'étais vieux - pas à mon zob, mais au regard que je portais sur lui
j'étais vieux, cela voulait dire que je sortais de l'âge, que le lit du temps se perdait dans la chute des dents
je n'avais pas soif, seulement je me levais la nuit, et n'assouvissais rien
rien ne me manque non plus - je crois juste que je ne voudrais plus souiller l'infini d'un seul pas en avant.
il y en a qui crèvent en sueur, avant même d'avoir eu le temps de jouir - on meurt de toute façon toujours avant d'avoir eu le temps
on meurt alors qu'on n'en a pas le temps
des fois il fait grand vent aussi, en plein novembre, et des gars sortent leurs cerf-volants au-dessus des dunes
c'est comme la tour montparnasse vue de l'escalator.
je ne voudrais dire du mal de personne, pas même de ma propre mère
il y a les lumières bleues des ambulances, une femme qui te raccroche au nez, ou plutôt à l'oreille
je n'existe pas dans ce jeu. dans ce jeu je n'existe pas. existent le jeu, la figure du pendu dans le jeu, mais le pendu lui flotte ailleurs, voyage
et pas dans l'au-delà, non, ni dans l'en-deçà non plus: il flotte, c'est tout
il voyage. un peu par ci, un peu par là - on dirait qu'il s'en balance
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il pleut. depuis le commencement du monde il pleut. je t'écris de quelque part, de n'importe où. depuis le commencement du monde et on n'en sait presque rien. sauf que l'herbe se mit à pousser rapidement. il y eut de l'herbe partout, de vastes forêts sans arbres. il y a de l'herbe partout encore maintenant.
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j'avais l'impression que tout ce qui respirait mentait, que là où cessait le mensonge nous suffoquions, et qu'en définitive seule était pure la mort, immaculé le néant. imagine la culpabilité d'être nécessaire à l'élaboration d'une telle conception! je posai donc les mains sur le dos de la culpabilité et commençai le massage.
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j'aurais tellement voulu qu'on prenne de moi le soin que j'apportais à la mise en scène de ma propre exécution. on a beau s'entasser dans des charniers, creuser des fosses communes, solitaire est le chemin de l'être, de tout être. alors même qu'il s'agit d'un seul et unique chemin...
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j'étais si loin de me douter... je te parlais, je te parlais mais tu ne pouvais déjà plus m'entendre. tu n'entendais plus qu'une chose, une seule et même chose. je me suis quand-même assis près de toi - j'avais sans doute besoin d'avoir mal près de quelqu'un qui a mal, pour ne pas avoir honte.
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je parle pour parler finalement, me tenir compagnie. une toute petite voix face à la nuit totale. j'ai toujours envie de la souffler, cette flamme. par pur instinct de mort, pur instinct de liberté. veiller dans la nuit totale. veiller.
si tu t'endors, t'es mort
et les paupières s'empèsent, et le regard s'enlise...
si tu t'endors, t'es mort.
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il fait nuit. derrière la fenêtre les prés, les champs n'ont plus d'yeux. sauf à considérer tout être - animal, végétal ou minéral - comme un œil, un œil ouvert du monde sur soi-même
il fait nuit. je suis un œil ouvert. ouvert sur ce qui le traverse, ouvert sur ce qui le regarde
et la mort
n'y change rien.
la nuit cette nuit ressemble à la nuit. et moi aussi.
si tu savais comment j'ai mal à la vie, avant même d'être saoul...
la nuit cette nuit ne ressemble à rien. tout comme moi.
incroyable, cette insouciance de la vie à survivre à toutes ces trahisons, à tous ces massacres
incroyable, cette désinvolture de la vie à se trouver belle
à l'instant même où on la perd....
il y avait un arc-en-ciel cet après-midi, là, juste dans le pré d'en face
les bêtes sont rentrées, je supporte seul le temps de mes insomnies
un jour je n'aurai plus de mort
un jour je ne serai plus le mort de quiconque
mais peut-on encore appeler ça un jour?
ou peut-on, au contraire, appeler ça enfin le jour?.
toute la pureté restante - il en reste si peu - nous coule sur le visage
je laisse ça, je laisse ça aussi - je me retrouve sans rien
la lumière toujours et partout là bien-sûr, mais nous, nous explorons
son absence jusqu'au bout.
la mort c'est la mort mais pas plus que ça
quand le monde s'est refermé, quelqu'un pleurait encore
j'ai frappé comme une bête: d'un côté le sac de frappe - à peu près tout ce qui bouge -
de l'autre le ciel gris, indifférent à ma rage
heureusement...
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rouler dans un coin. se coucher sur le côté. mourir. mourir enfin
entendre pleurer de si loin, si loin. et depuis si longtemps, si longtemps...
les pleurs remontent à la surface de l'ouïe, depuis le fond de l'ouïe les pleurs affleurent
mourir. mourir enfin....
la vraie nausée, celle qui remonte des entrailles, aigre sang de la pierre, piège le cœur et le fait gerber de toute son âme
ce dégoût d'être dont seule la mort pourrait te délivrer, si la mort délivrait encore
j'ai nagé ce matin, j'ai nagé:
il n'y eut jamais de rivage....
tu me demandes pourquoi mais il n'y a pas de pourquoi
tu me dis souviens-toi de nos joies mais il n'y a pas de joie
tu m'insultes, tu me frappes, tu me jettes mais il n'y a pas de fond
alors tu pars
tu pars....
la seule chose qui me sépare de la mort c'est mourir
mourir m'écœure
le néant est-il doux, le néant est si doux
je marche encore un peu
je me passe la main dans les cheveux, à contre-poil
le néant est si doux.
en moi l'amour est mort
et je ne me souviens
ni de maintenant, ni d'avanten moi l'amour est mort
comme si j'avais marché, longtemps
et pour rienen moi l'amour est mort
- c'est pas grave, non c'est pas grave:
en moi l'amour est mort
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