•   au bas de la page en général j'arrête
      j'inspire
      et j'éjacule

      eurydice passait par là - elle a tout nettoyé
      elle en a tellement marre d'attendre
      pourtant je n'en veux pas
      je préfère me branler tout seul
      ou alors dans ses cheveux de bruine
      comme on pleure dans ses mains
      à froides larmes
      - mais on ne pleure pas
      on ne pleure pas, ou alors seulement contre le mur d'un cercueil, sûr de ne jamais rouvrir les yeux

      eurydice est un genre de zombie
      elle aime la danse, la salsa, le zouk
      elle tombe à genoux
      elle finit toujours à genoux, la face blême les lèvres folles
      et les mains jointes

      .

      la terre repose
      pour les européens, la terre repose
      l'été, les cyclistes sillonnent la zone mais là, l'hiver, la terre repose, la terre repose et ça me calme
      même pour les européens, c'est très calme
      avoir joui de tant et de tout, avoir joui même de la mort et dans les deux sens, finalement fatigue
      le ciel certes tourmente encore, mais la terre, elle, repose
      sous la surface de nos grasses campagnes
      en la terre tu reposes, sainte mère de dieu
      - j'en dirais pas autant

      .

      et puis j'ai disparu
      au fur et à mesure que je te rencontrais, je disparaissais
      certains s'enfonçaient quand d'autres poussaient - l'histoire des joncs dans les marais, stabiliser la vase
      je me recueille
      on ne peut pas embrasser sur la bouche le vent violent, c'est dommage
      on ne peut embrasser sur la bouche qu'un horrible trou du cul, et ça m'énerve un peu
      ça me révolte même
      et puis ça m'apitoie
      il faut bien piocher aussi dans le sac à pitiés
      et rentrer triste chez soi, dormir pour s'oublier, ou du moins oublier tout cela
      toute cette poésie ratée
      ce solennel ratage
      ce cœur de poulpe ce vague à l'homme


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  •   j'avance
      là, j'avance
      j'avance comme il faut, c'est à dire devant
      j'avance en points de suspension, avec circonspection aussi: j'avance à pas de loup
      un peu comme si je me trainais à plat ventre sur le gouffre, la surface limpide du gouffre
      du gel à la pluie dirions-nous, de l'effroyable lucidité à la tête penchée de la mélancolie
      - tu disparaitrais au moment même où je t'effleurerais, et j'aurais joui pour rien

      .

      quant aux finalités, pourquoi ne pas s'exploser la goule?
      un débris tout entier prenant pitié du mauvais sort, concentré sur les caps'
      c'est antigone qui m'a appris ce jeu - je revenais de cythère, elle avec ses longues dreads
      venait d'enterrer son frère:
      sur le goulot d'une bouteille de bière vide tu poses une capsule, et avec une autre capsule t'essaies de la dégommer
      c'est envoûtant, pas forcément érotique, et ça enseigne sur les finalités
      sinon tu observes la lente dérive intérieure des corps
      jusqu'à ce qu'un jour, préférant mourir, tu te lèves de là, un vide infini plein le crâne
      et tu t"en ailles

      .

      ils partent à deux, mais toujours reviennent seul
      ou ne revient que leur ombre, épinglée à un ciel hagard
      j'ai gardé un éclat de peur tout au fond de l'œil droit, certains vieillissent prématurément
      moi j'ai conservé la peau lisse, sans ride, d'un homme qui aurait prié ou tué beaucoup
      beaucoup trop pour s'embarrasser de remord ou d'espoir
      - ils partent à deux, mais aucun d'eux ne revient. on se perd comme on peut...

      .

      la nuit de la saint barthélémy , j'étais sorti pisser tranquille sous le champ des lucioles
      se caresser longuement la barbe
      faire jouir sa prochaine, juste parce qu'elle en a envie et qu'après tout c'est la saint barthélémy
      entendre vers une heure du matin gronder les bombardiers, sortis promener leur trucs enrichi à l'uranium appauvri et rentrer vers quatre-cinq heures vidés, fatigués et repus
      vivre radioactivement et rétrospectivement, les mains en suie
      - avoir vécu ne sert à rien
      vivre passe le temps
      il ne faudrait pas rater sa mort en compagnie d'un mort...

     

      et tu t'en ailles

     


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  •   l'instant pur
      l'instant pur où on se les gèle, on se les gèle vraiment - il fait si froid dehors, comme disait la chanson
      et je n'avance pas
      même à reculons, je n'avance pas
      je n'avance pas même en dormant c'est l'instant pur
      pur et inattendu
      de la présence hors soi
      cristallisée dans l'espace pur
      de l'instant pur
      il fait si froid dehors, comme disait la chanson
      - dedans va l'habitable

      .

      il y avait cette magie - l'homme s'en va toujours ainsi, mains dans les poches ou l'âme à l'ouest, l'âme s'en va toujours ainsi, mains dans le dos,
      on appelle ça trépas, mais pas seulement - un jour, ça n'avait pas d'importance - il y avait cette magie donc, par laquelle on, tout advient
      étais-je vraiment là quand dieu commit la création, en embrassant d'un regard le terme et le commencement, la durée, le processus?
      existe t-il ce lieu hors lieu où la magie n'opère pas, un visage sur lequel glisse le regard de dieu, et ne le perçoit pas?
      un visage en lequel je ne parviens pas à me reconnaitre, une impossibilité d'être telle qu'on ne sut pas naitre, qu'on ratait sa naissance,
      qu'on se trompait de col et d'utérus?
      il y avait cette magie
      cette magie pourtant
      cette magie quand même
      quand bien même inopérante
      de s'étonner soi-même
      de n'être pas soi-même
      : le néant advenu - écarquillement d'un non-regard de dieu ou du regard d'un non-dieu...


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  •   où je reste debout, simple tombe en suspens
      debout de tout mon long
      et tant pis si penche l'univers -
      une tombe flottante, une tombe émergente
      ne redresse aucun tort

     

     

      le givre à la mâchoire semble prendre racine
      le géranium à la fenêtre, tout cramé dans son pot...
      crois-tu me reconnaitre?
      crois-tu, en allant n'importe où
      oublier que l'être, c'est la mort?

     

     

      berce-moi de mille doigts
      neige sensible ou pierre au cou
      alors je me suis couché le long de toi
      - jamais ta main cependant
      n'effleura mon ivresse

     

     

      c'est à dire un mensonge profond
      une histoire finit comme ça
      quelque chose commence là
      sans cesse
      et n'aboutit pas

     

     

      demain ça peut s'éteindre
      allumer le feu, le rallumer
      chaque matin refaire les gestes, porter du bois
      depuis la nuit des temps, jusqu'à la nuit des temps
      entre temps me happe un ciel, m'absorbe me boit
      et recrache les os

     

     

      tu ne sais pas. tu ne dors pas. peut-être que tu ne dors pas
      peut-être que tu flânes sur le môle, le poing serré dans ta poche comme s'il scellait un secret
      -  je n'ai pas de secret
      : blême transparence...

     

     

      tu rêves ou t'es morte?
      sais-tu à quoi ça rêve, un mort?
      est-on jamais mort, d'ailleurs?
      je sautille, tu sautilles, il ou elle sautille - le cercle défait
      neuf fois neuf c'est mon tour: à des année-lumières d'ici, j'entends sonner ton cri

     

     

      j'aimais le centre, le centre de vos vies - alors j'y ai pondu un œuf
      qui n'éclora pas
      car la semence qu'il contenait est partie en voyage
      un long voyage - imaginaire ou non, quelle importance?
      à chaque instant je reviens de nulle part

     

     

      oui mais moi je chante pas comme ça
      je chante seulement pour les disparus
      une berceuse, ou quelque chose de triste, avec pas trop de sens
      je prends une longue inspiration, je bloque mon souffle:
      devant mes yeux tout ronds passe un poisson extrême

     

      poisson extrême


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  •   ainsi
      c'est ainsi
      ainsi que tu es morte, et moi plus vaste encore - y a t-il un large assez large
      un large plus large que soi
      avec un pont dessus, pour toujours plus large

      .

      le pont a brûlé
      la pont a brûlé on ne peut plus passer
      mes épaules si larges - on peut passer sur mes épaules
      mes oreilles si longues, on peut tout leur confier: elles boivent tout
      on dirait la mort un jour de chance

      .

      tu es venue te coucher contre moi - j'avais pourtant l'impression d'être moi le chien
      je hume l'air venu de loin, de loin de haut
      ça ne pue pas la mort. ni la moule. ça sent la marée basse, et jamais remontée

      .

      je ne crois pas à la pureté, je ne crois pas à la souillure - les choses poussent où elles trouvent la place de pousser
      je pousse où je trouve la place de pousser
      c'est le vide qui m'aspire
      nous sommes deux à mourir
      il faut être deux pour mourir
      au moins celui qui reste, là-bas
      et celui qui de-meure, ici
      je fus celui qui partis, sans cesse
      enjambant d'un non-pas toute l'étendue de mon immobilité
     


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  •   elles sortirent de leur caveau et me touchèrent le bras. pour me consoler, me réconforter - m'amadouer en quelque sorte
      je leur criai: arrière, sirènes! il n'y a qu'une autoroute!
      cette nuit-là, toutes tombèrent enceintes...

     

      tu as de drôles d'idées, et de drôles de manières vraiment - tu aurais pu pisser ailleurs que sur le cadran, le cadran de ma montre quand même. ailleurs que sur le cadran de mon sexe, non mais. tu aurais pu pisser autre part que sur mes épaules, tout le long de mon dos ta pisse si chaude. mais tu fus lasse. et les ombres sur mon corps mimaient la fin du jour...

     

      les hommes n'attaquent pas. tu as beau les exciter, si on ne le leur ordonne pas ils n'attaquent pas - ils réfléchissent
      je me trouve ici parce la route n'allait pas plus loin. elle s'arrêtait là où l'herbe commençe
      je n'aime pas l'herbe. il n'y a aucune raison d'aimer l'herbe. là où cessent les chevaux s'étend un genre abstrait, un espace incertain
      j'y plante ma tente, avant même de penser que je n'ai pas de tente...

     

      après tu as dit c'est ton tour maintenant, mais je n'avais plus soif
      partir ne rapproche de rien
      je suis donc parti, et plus loin encore, et toujours de plus loin - l'oubli était précoce
      alors tu me touches le bras et murmures quelque chose que je ne comprends pas
      résolument, sur la boussole, j'aspire au vide

     

      rien de nouveau sous le ciel veuf

     

      ô judéo-chrétienne


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