•   tu m'étranges

      tu panses les bêtes le soir venu, tu sais que quelqu'un ne passera plus
      - plus pour longtemps du moins

      là, je suis là
      droit dans les bottes d'une trouble évidence, juste au-dessus d'une ligne je ne sais pas:
      d'horizon? de flottaison?

      une vague idée de ce que je ne suis pas
      court après moi
      alors même qu'en ce moi tout cesse, s'immobilise, se tait

     

     

      j'étais à mille lieues de m'imaginer... quoi que ce soit
      - il faut cette distance-là, cette distance-là est nécessaire,

      ce vide entre nous, parmi lequel... tu m'étranges
      et ne me redemandes pas

      tout ce sur quoi j'ai préféré apposer un silence formel - quel silence formel? Le silence ai-je dit
      ou tel qu'il s'alourdit

      les bêtes s'ensommeillent - leur éveil fut à peine le tien
      c'est ton odeur de terre qui leur monte à la tête, le sort qui s'en dédit

     

     

      les jours se ressemblent et c'est à ça pourtant qu'on les distingue

      par exemple: qui empoisonne les sources? qui rabat les orages sous nos crâ-crâne d'encre?

      pas moi car je suis mort, et là, buvant la brume à même la corne, prenant le taureau par les pis

      tandis que cédant au brame, tu falsifies les songes

      et j'y songe souvent...

     

      rengaine nulle


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  •   on se cache une fois, et puis on recommence, on recommence une fois. puis on se cache

     

      j'ai perdu un bouton. ce n'était qu'un bouton, devrais-je me dire. et effectivement me le dis-je. j'ai perdu un bouton

     

      c'est là que tout s'enraye, c'est là que tout déraille. c'est un sommeil si lisse, on dirait qu'il s'enlise

     

      un homme mort. plus mort que lui tu meurs. il marche dans la rue mais ce n'est qu'une histoire, qu'une histoire somme toute. en vérité il ne se passe rien

     

      lave la vitre avec la langue, ta langue à toi. le reste du temps lave la vitre avec sa langue, sa langue à toi

     

      n'ai pas pris de congé - les congés sont éreintants. pour arriver à moi il faudrait des milliards d'années. pour en sortir, autant

     

      quelle explosion d'un bonheur si soudain, auquel on s'attendait un peu certes, mais dont on n'avait pas vraiment besoin, ni réellement pris la mesure

     

      c'est là qu'elle intervient


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  •   il n'y a pas d'objet qui pleure sur ce banc, ni quoi que ce soit de tranchant

     

      ce ciel eut été bien plus bleu s'il ne m'avait connue. ce ciel eut été sans abri

     

      qui rince un drap peut-être prendra le temps de se demander pourquoi, et pourquoi pas

     

      se dit-elle. mais elle se dit quand même, comme en chacun se parle le vieux, très vieux, Lorrain

     

      je l'aimais sur une chaise, se dit-elle en décroisant les jambes, et seulement les jambes

     

      pour le reste elle faisait tout comme il faut, sans excès de zèle, sinon à la hussarde

     

      ce modeste coin de vie. ce rêve de caillou. cette chance qui nous gratte d'en attraper un mieux

     

      quelqu'un fait la joie d'un fille ou son malheur, tandis qu'elle se peigne l'indifférence avec les doigts d'une autre

     

      j'ai perdu bien du poids, et dans les gares aussi ai-je laissé quelque chose de moi

     

      m'accorde t-elle cette danse, j'en doute en l'occurrence. je prendrai position sur le premier banc venu

     

      celui ou celle devant lequel ou laquelle je ne passerai pas m'a regardée passer, contournant le bassin

     

      soutenir un regard exige certaines précautions, la plus urgente desquelles ne sert pas à grand chose

     

      je te défends de me tutoyer. je ne supporte pas d'être tutoyée, exception faite dans l'escalier de nos colimaçons

     

      et des poussières. la lune et des poussières. trois heures et des poussières. la mer qui m'crache dessus. encore de la poussière...

     

      vingt fois par nuit je lui revenais sans but or elle avait disparue, comment dire?

     

      parfois étrange, mais d'une étrangeté quasi familière, comme à se lever d'un rêve qu'on n'est pas vraiment sûr d'avoir commis

     

      et parfois de concert, bras dessus bras dessous. elle le plus souvent. ou alors de travers

     

      alors elle tourne en rond. en rond dans le sens du vent se dit-elle, tandis qu'elle tourne en rond, trahissant le destin

     

      parfois je tourne en rond, bras dessous bras dessous, j'enfile un bas, un seul suffira

     

      une fois la nuit tombée, tombée si bas qu'elle ne se relèvera pas, je l'ai prise dans mes bras...

     

    c'est l'histoire, modeste et fascinante, d'Antalie Karakol

      


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  •   il y a la neige aussi, telle qu'elle nous prie de bien vouloir
      l'en excuser

     

      si je cherche, et si je cherche bien, qu'aurais-je à perdre
      qui ne soit déjà mien?

     

      le ciel et même un peu plus haut, le vent
      qui s'en balance

     

      achever de se croire
      perdu d'avance et c'est fou, du haut de chaque chute retomber
      en enfance...

     

      brouter tout un trèfle et, parvenu à la quatrième feuille, pardonner le hasard...

     

      j'entends bien, oui j'entends bien
      ce dont nul son ne sort

     

      et puisque par terre semble ainsi s'éveiller, se relever s'ébaudir
      elle ramasse une pomme, l'étourdie...

     

      j'avais faim alors j'ai commencé par les ongles
      jusqu'à redevenir flocon

     

      la dernière fois ce fut hier, ce sera demain - en tout cas je ne crois pas
      qu'il pleuvait ce jour-là

     

      sans cesse la mort à mon chevet me dit tu vois tu brilles
      tellement j' t'astique...


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  •   parfois la nuit se brise, coquille vide
      ce qui s'en répand alors désigne l'un d'entre nous, n'importe lequel des deux
      comme si nous ne savions compter que sur l'envers des choses pour, surprenant notre image,
      nous ravir à nous-mêmes...

     

     

      une fois la pluie
      deux fois lors s'ébrouait, d'une lumière plus vive
      s'ébranlait comme on cède, face à ce qui nous attend
      depuis toujours, là et limpide,
      tapi en nous, toute ombre bue...

     

     

      c'est une autre blancheur, prompte à recevoir nos larmes, furtives
      à susciter l'ultime aveu de nos
      fébrilités 
      - un jouet en quelque sorte, l'ortie dont on se caresse
      la joue, et parties plus intimes...

     

     

      quelquefois c'était une vie
      qu'on plie pour qu'elle s'envole, se taise
      ou ployant sous le vide écorné
      de son propre regard ce fut aussi, d'ailleurs
      une clarté diffuse, le sentiment confus, peut-être ainsi déçu
      qu'aucune mort ne viendrait nous absoudre, ni rompre le pacte
      nous liant à nous-mêmes, en passant par Honfleur, Sedan,
      ou bien même Le Mans... 

     

     

      un jour je reste
      comme autrefois c'était promis
      d'une langue cousue de fil blanc j'écume
      nos patries éphémères, nos exils en attente
      d'une voile en partance - la lumière
      ne finira t-elle donc pas par nous ouvrir les yeux, par en extraire
      l'écharde d'une larme
      plus pure encore?

     

      parfois la nuit


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  •   telle une espèce en voie de disparition, je graisse les gonds je sors d' mes tongs - la vie lors d'un soleil tranquille

     

      s'est cassé l'ongle
      sur une ombre, là, juste sur une ombre
      mordante

     

      on aurait pu la tenir en laisse bien-sûr, la jupe au ras d' la fente
      le tout dans un crépitement, solstice aidant,

     

      de cuisse
      de reniements

     

      et la causalité, tout ça, c'est rien qu'un alibi, hein? le saut nécessaire à
      la puce, tout comme la puce l'est
      au saut

     

      telle une espèce en voie de
      suppression claire et nette, j'amuse la vulve, je sors le taon

     

      le taon qui passe et me dépasse, déplore les scions les affections qu'il
      propage avec affectation, les suspectes rougeurs

     

      ne m'en veux pas: je suis vivant c'est tout, la vie me vit, elle qui jamais ne
      s'endort

     

      avant d'avoir sucé jusqu'à la moelle l'os d'un dieu-hibou, clôturé le champ-vénus,
      fermé les yeux, les yeux en deux

     

      d'une espèce par procuration (toi, moi, la ville entière), d'une espèce en voix de si

     

      belle extinction...


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  •   l'effroi venant de loin

     

      je me suis lâché la main

     

      et quand je serai mort, est-ce que tu me berceras de ta voix mélodieuse, mélodieuse ou éraillée?

     

      est-ce que tu crois que se pisser dessus enlèvera la peinture, et que tu n'auras nulle raison de vivre enfin?

     

      la javel d'un sourire côté nord, n'en viendra pas à bout

     

      l'instinct de l'extase et celui de la mort c'est la même chose. et si je me trompe c'est pas grave: la mort de l'instinct m'extasie

     

      l'extase de la mort m'éteint

     

      comme si cet univers avait été créé afin que j'y sois triste, que j'en distille la tristesse

     

      toute l'élégance du deuil. un peu comme ce mendiant à la sortie du lidl, les yeux cernés de noir ou même, à l'occasion,
      éjaculer en plein pardon

     

      une croix. comme s'il existait un poème anodin

     

      comme s'il existait un être que personne n'eut jamais regardé

     

      une pomme pour les oiseaux, les vers et les mulots

     

      tu ne me dis plus rien. tu ne m'as jamais adressé la parole. tu n'as fait qu'en mes yeux
      te regarder passer...

     

      il pleut pour ne rien dire


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  •   une vie sans ombre insulte la lumière. celle-ci s'en remettra, évidemment...

     

      tu verras, me susurrait-elle, on survit à tout - même au néant, puisque le néant signifie exactement cela

     

      même en admettant l'hypothèse d'une réalité dernière, il n'y a pas de réalité dernière - si ce n'est ce néant auquel tout absolument  et chaque chose en particulier oppose un démenti formel

     

      je finis par être heureux. de rien, pour rien. du non-sens même de ce bonheur issu de sa, propre insignifiance (tant il paraît qu'en poésie la grâce ne se dissocie pas de la poussière...)

     

      les ailes qui ne me poussent pas, je les déploie à l'infini. car je ne vois pas comment commettre hors l'infini le moindre petit saut de mouche

     

      tourner autour d'un astre éteint finirait par lasser la plus entêtée des mouches. et pourtant le vertige nous prend et nous entraîne, aspirés que nous sommes vers le centre mou de notre lassitude...

     

      entre l'irrésistible passion et tout ce temps à perdre, j'ai creusé un tout petit trou avec ma carte à puce

     

      tomber dedans, tomber, tomber
      tomber dedans...


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