•   marche vibratoire
      le jour un peu troué, échancré sur les bords, la lèvre un peu gercée les frontières
      perméables, les étendues
      péquenaudes ça fait du descriptif tout ça, le descriptif
      rhabille les champs

     

     

      nu en cette saison
      le sexe rose-bombé, le fluide dans ses ondes
      un petit, tout petit
      jeu de massacre, pour passer
      l'après-midi ou vers seize heures disons, retrouver l'an-
      gle mort et bien mort, ni vu
      ni reconnu d'ailleurs

     

     

      un jour pas comme
      et soi sinon, à part soi ça
      va, ça va ça vient, ça fait caca au beau milieu d'la route, voir si ça passe
      non ça passe pas
      ça passe pas en effet, ça ne
      s'arrête pas non plus non ça ne
      s'arrête pas

     

     

      triste sort, mais joyeuse bique
      ralentir, rien qu'un peu, ralentir, et
      profitant de l'inertie, de la tendance ou de la pente, ralentir tout à fait
      juste de quoi survivre en fait, à peine soulevant
      le pied, le décollant de
      son ombre - là tu sais bien: son ombre...

     

     

      je m'y prends toujours mal
      pour tout, pour écrire un poème, pour t'embrasser
      avec la langue comme si la langue y jouait quelque rôle, on dit mordre la tôle
      on dit il a mordu la tôle
      il s'est coupé la langue

     


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  •   galet blanc
      sur fond gris, abîme
      non, pas abîme, le temps ferait le reste
      le temps restant
      le temps inavouable
      le temps moche

     

     

      la vue vague ondulée
      ou pas de vue du tout: contempler la non-vue, pisser dans le trou
      dans le creux
      de ses mains par exemple, ou sur son ventre à elle
      pourquoi pas sur son ventre, depuis

     

     

      œillet obscène
      la rive à la dérive, tu m'entends?
      ou tu t'étends, jonglant avec un ba-
      llon gonflable, ballon berceux, gracieusement rebondissant de la peau nue d'un pied à
      la peau nue de l'autre

     

     

      une oreillère
      dirigée vers un seul silence, un silence fuyant
      une envie de fumer que fumer
      ne résout pas - on lui dit fait risette elle te
      montre sa chatte
      ou te tire sa langue on comprend pas

     

     

      rêver d'un matin sec
      d'une
      capacité de nuire non exaucée, je range la carte, je n'aurai plus besoin
      de carte, le regard partagé entre le là et
      l'un peu plus loin déjà

     

     

    vide éphémère
      


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  •   j'adopte un dieu
      je vide mes poches et plus je vide mes poches, plus augmente le vide
      peut-on suspendre un pas, indéfiniment suspendre
      le pas du coup

     

     

      il n'y en a pas
      de ceci, de cela, de quoi que ce soit
      de leur absence même il n'y en
      a pas
      à plus forte raison

     

     

      t'es trop propre, j'aime le sale, le sale pour autant
      le sale par endroits
      il meurt avec soi quelque chose de l'au-delà, de l'au-delà tout en dedans
      et c'est cela qui meurt

     

     

      un petit trou trouvé, un petit trou perdu, un petit
      trou, où se faufiler pour de bon, un trou à enfiler
      un petit trou d'occase, un honorable
      trou à l'envers - l'envers de soi évidemment

     

     

      il reste là
      en espace creux, en négatif, en totale soumission à
      l'absence heureuse, on dirait qu'il s'ennuie mais non il oublie tout bonnement
      de s'ennuyer, il reste creux, déca-
      pitant l'attente
      l'attente

     


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  •   un jour comme ça
      un jour autant
      sortant de l'or-
      de l'ordinaire
      un jour tout
      ordinaire

     

     

      je passe devant
      repasse devant
      frôle l'espace
      l'espace froid
      un jour comme ça
      un mauvais pas

     

     

      l'horreur à l'in-
      différence puis
      l'horreur encore
      et indistinc
      tement, nommant ce qui
      n'existe pas

     

     

      le cercle sans
      comète, la pluie mouillée
      patiente et patiem
      ment, un homme s'en
      nuie s'en fout finale
      ment s'enlise

     

     

      s'enlace
      quelqu'un a dit
      s'enlace, se re
      cercle debout, se rou
      lant sur son soi
      repose un pied

     

    dans l'inurgence

     

     

    l'inurgence


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  •   arrive un moment où le poème ne fonctionne plus, où fuir n'échappe plus. mourir nous contraint. à quoi, à quelle ineffable clarté, à quelle abstraction de soi - à quel mètre-cubage dans le rang des damnés
      alignés au cimetière...

     

     

      les mots ne sont plus là pour révéler mais pour dissimuler, et ne prétendent révéler que pour mieux dissimuler
      cette mutité m'opprime je n'ose plus prendre mon souffle, moi dont la seul vocation consiste 
      à respirer, rien d'autre que
      respirer

     

     

      je n'ai pas le cœur. or la foi justement ne se résout-elle pas à cela: croire, quand bien même on n'y croit plus; aimer alors même qu'il n'y a plus d'amour; pardonner
      au-delà de tout espoir trahi. ce n'est pas raisonnable: simplement indispensable

     

     

      comment peut-on (et le peut-on) être réel?
      j'aime un ventre. un ventre ne m'engendre pas. un ventre doit servir à autre chose que ça - à autre chose en tout cas que de servir à quoi que ce soit
      quelle réponse la mer pourrait-elle apporter à l'homme qui s'y noie?

     

     

      je donne rendez-vous
      chaque nuit, je donne rendez-vous
      chaque nuit depuis ma plus petite enfance, je donne rendez-vous
      et chaque jour, depuis ma plus petite enfance jusqu'à ce jour d'hui, personne à l'heure ni au lieu de notre rendez-vous
      - pas même moi

     

     

      je ne veux pas cesser de souffrir: seulement cesser de me demander pourquoi je souffre, d'y chercher une quelconque raison - le salut ne consistant plus qu'à confondre l'amour
      à la chute (absolvant radical), la raison d'être
      à l'absence d'être, la brosse à dent mauve de mon fils
      à celle violette de son père ou à l'insurrection comme aveu définitif
      de l'échec final

     


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  •   ils hissent des drapeaux rouges, suçotant des dragées hautes
      un jour je me marierai mais je ne me marierai pas avec toi, ni avec quiconque, parce qu'outrepassées, les peurs-paniques que nous embarquions aspirent
      à autre chose...

     

     

      les tombes s'entassent, les cendres se dispersent, la bouche fluide d'une fille aménage un espace à la dépossession radicale
      perdant quelque chose mais ne perdant rien du tout, prendre conscience finit par signifier n'avoir conscience de rien

     

     

      on s'habituera à ne marcher que sur une seule jambe, à déambuler le soir sur des routes plus désertes qu'à leur tour, réseau secondaire d'une détresse hors norme

     

     

      laisser une trace, décongeler un orgasme - notre héritage se constitue de dettes
      je jette une pierre: d'ici à ce qu'elle retombe son ombre m'aura convaincu de l'inanité de tout pas de côté, cynique propagande...

     

     

      s'effacer devant dieu, s'effacer même en dieu - transfert intégral
      si cela ne tenait qu'à moi, qui ne tient à rien, il n'y aurait
      que néant, c'est à dire n'y aurait rien
      je n'aime pas assez pour supporter telle souffrance, ou plutôt ne souffre pas suffisamment pour enfin
      consentir à aimer

     

     

      ma voix ne m'appartient pas. par quel méandre revenir au temps d'une voix n'appartenant plus qu'à elle-même, exténuée, extrudée, ex-
      filtrée...

     

     

    l'amour en CDI


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  •   je marche dans le noir, dans le noir je me sens mieux
      le sable gris de nuit, le sable me rassure
      que faire sinon mourir, que faire en attendant de
      mourir si ce n'est
      mourir. ça va comme ça

     

     

      mon chien n'est pas si méchant que ça, ma bouffe la main oui mais que faire
      d'une main la main repousse
      du moignon, à chaque geste je te branle le nid, oyé je te branle le vide, oké alors dis-moi
      dis-moi comment tu peux et non je ne peux pas, je le fais toutefois c'est donc pour ça
      que je le fais tu vois là je n'avance que
      perdu d'avance

     

     

      bruits là. des ans des âges, de glues grises en fracassantes ruptures: j'ai toujours eu dix-sept ans
      avant cela je fus enfant - est-ce que ça compte, enfant? et comment réparer tout cela on ne
      répare pas tout cela: on croule, et dans le temps long

     

     

      je ne m'appelle rien, et tu ne t'appelles rien: ça c'est l'égalité
      l'égalité par le zéro, l'égalité par le nu, l'égalité par l'orgasme
      je te suis mais qui suit quoi, sinon l'instinct d'aller à
      sa propre perte et de renaître enfant, quoiqu'on n'ait jamais su
      comment, ni comment dire...

     

     

      je te caresse les seins c'est la seule chose que je sache faire or tu me dis
      j'en ai marre de tes caresses, je n'y comprends p;us rien moi, je veux juste sentir
      l'odeur obtuse de la mer et le doigt tout crispé, pressé contre
      la marée noire, la marée oui c'est ça, la mortelle et c'est rien
      rien

     


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  •   petit pommier à fleurs, mon petit
      pommier à fleurs, te voilà bien gelé désormais
      tu te gèles les miches, tu fais plus le malin, ni le brave
      tu dors dehors et comment tu supportes moi je ne
      supporterais plus

     

     

      je veux dire les choses qui tachent, font tache or toute tache
      ne tache pas du même sale.
      se déchire du ciel le rideau, le rideau c'est comme ça, il a mis
      son gilet jaune

     

     

      ma seule vie vient un chemin
      entre l'abîme et le décor, alors je reste coi, sans mobile et immobile il s'agirait pas
      de faire de vague, non surtout
      pas de vague

     

     

      l'un en entraîne l'autre et alors quoi, ça va pas continuer comme ça longtemps le ciel en si haut-lieu
      ne répond plus de rien les gens
      font des stocks de stocks en prévision
      des jours sans stock et j'imagi-
      ne le néant c'est la seule chose que je sais faire rester assis là piquet dans le décor à i-
      maginer le néant

     

     

      des pleurs sans cesse des pleurs quand est-ce que tu vas arrêter
      ces pleurs et voilà toute la seine
      regarde un peu la seine et comme c'est crade, la seine non d'un coup tout seul et dans ton coin ça fait rien engendre là un peu de
      bonté, o la bonté c'est con ça rendrait juste le
      con sublime...

     

     

      on n'est plus à compter recompter sur le bout de ses petits doigts crochus le moment là devenu trop
      périlleux le vide au fond du
      saut l'éternité ça passe, et l'éternité baille on pense à autre chose alors même qu'on
      ne pense qu'à ça, et pas seulement vivant, de son vivant vivant...

     

     

    petit pommier à fleurs

     


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