•   je pars de l'impossible. seul l'impossible s'avère soutenable, tremplin pour le présent - un présent élargi à sa dimension originelle, et non plus déduite ou extraite d'un hypothétique temps global
      seul est vivable l'impossible, puisque seul réalisé. l'annihilation des possibles en laquelle il consiste ne souffle que sur des cendres
      je ne suis libre qu'à condition, et qu'à condition de n'être libre pour rien, et que cette liberté ne serve à rien, ne soit point force de réalisation mais au contraire principe de déréalisation, instable état de non-réalité

     

     

      j'élucide l'image du vide dans ma tête
      je souffle des bulles de savon dans le cul du poème
      je parviens presque à me représenter vivant, tentant désespérément d'embrasser une fille qui tourne sur un manège lancé à toute allure tandis que je reste quant à moi figé au sol, piquet à blanc
      ça mériterait des claques, or des claques on n'en a pas

     

     

      c'est un tout petit appareil: il prend des photos sur le vif si vif en est le sujet, des photos sur le mort pour peu que le sujet en ait été réduit au triste état d'objet
      il raconte la vie en tout cas, non telle qu'il se l'imagine, mais telle qu'elle s'imagine à travers lui, motus et bouche goulue
      il lui faudrait parfois tendre la main, afin d'espérer sentir s'y déposer une pièce, un mollard, le principe aléatoire du point sur une ligne qui déjà ne sait plus si elle est de vie, ou si elle ne fait que tourner en rond comme une bête avant de se coucher, au cas où de mauvais rêves d'hier ou d'avant-hier, de fatidiques points de rupture
      viendraient à la piquer

     

     

      que retiendra t-on du fait d'avoir été si ce n'est, après une série douteuse de malencontreux ricochets, d'avoir couler à pic ?
      les voyous courent toujours, et les filles à leurs trousses... au lieu de m'envoler je suis tombé enceinte, le parachute d'une pierre pénible, l'alunissage en parallèle
      il me faut composer avec la force constamment augmentée de mon auguste inertie. je ne sais pas: en déposant quelques graviers sur sa maigre poitrine en en soufflant dessus jusqu'à ce qu'ils
      prennent feu par exemple - ou toute autre chose...

     

     


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  •   je ne mens pas je reste nu
      au milieu de la chambre, à portée de fesse tout de même
      d'une chaise, par laquelle j'ai remplacé le banc
      le banc d'en face, toujours d'en face
      d'en face de rien
      toujours de rien

     

     

      ma nuit mon siège, ma façon d'être en tous les cas
      de respirer sans transpirer. quelqu'un me dit méchant, quelqu'un me tape
      c'est encore cette impression qui me taraude, de servir de cage de verre
      à une mouche

     

     

      mon timbre est inutile, mon timbre ne colle pas. mon timbre
      ne sonne pas. nausée ne gerbe pas
      qu'y a t-il d'autre qui ne pas, ne plus, ne rien ni ne
      qu'y a t-il donc

     

     

      regarde, il reste
      du pipi sur tes cuisses. tes lilas sentent la mort
      hors-temps, hors-piste, hors-service. ne danse pas
      retourne dans le ventre, tout à l'indicatif

     

     

      pas de truelle pour une telle béance. les chiens même n'aboient
      en retard à son propre enterrement, les pompes souillées
      encore une histoire de chien

      montre-moi ton poignet. il est mignon ton poignet, il est fin

     

     

      de carreau cassé, d'herbe rasée
      je te parle d'amour tu me craches les pépins. il vaut mieux
      recracher les pépins, la mer n'y est pour rien:
      elle se dit pourquoi moi

     

     

    babil en son corbac


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  •   je ne tiens pas
      dans un bateau en papier
      lequel ne tient pas l'eau non plus, lequel prend l'eau - voyager
      ne semble pas si évident, finalement

     

     

      définitivement. même si
      définitivement rien.
      on plie bagage, on range la mer, on attrape froid
      fallait pas sortir nu, comme ça, en plein milieu de la chambre
      ou de son rêve - surtout quand on ne, comme ça,
      rêve de rien

     

     

      un léger mieux, ainsi que le décrit
      le nouveau-mort, rasé de frais, le tout juste
      ressuscité des vivants, en nage-arrière, le sexe qu'on recrache
      qu'on rechie
      qu'on ravale

     

     

      j'enjambe un corps, une nuit, le saint esprit
      je marche sur mon ombre. non, je marche dans
      mon ombre. mon ombre sans corps, sans moi comme je m'enjambe
      si peu d'issue

     

     

      le temps que la pierre
      jetée en l'air me retombe dessus, je réfléchis, j'écris ces quelques mots, je fignole
      mon épitaphe
      mais j'y arrive pas. rien n'en ressort vraiment. tout ça finit
      par retomber

     

     

      il se sert de ses jambes comme de rames, repoussant la terre derrière lui
      il aime ses épaules aussi, fuyant sur les côtés, aériens précipices
      il cherche en vain son point de départ, d'appui branlant - le départ c'est du facultatif
      le départ c'est une bouche

     

     


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  •   mordre le corps. mordre
      à travers tout le corps. d'immenses voyages
      échouent là sur la grève, tout contre moi grêle poitrine
      ils repartent chez eux

     

     

      je dois être percé, je ne retiens rien
      du sable que le crissement
      du creux la griffe grave
      de l'image le tranchant du miroir - ils abandonnent
      mon corps à sa putréfaction

     

     

      comme je vous vois venir, de loin
      et de plus en plus loin, comme si venir vous éloignait, ou renchérissait
      sur mon inaccessibilité
      je me quitte

     

     

      une fois encore il se lève. en pensée il se lève
      il ne va pas bien loin, en pensée quelques pas, l'idée
      de quelques pas - pour ne pas
      mourir tout de suite. pas immédiatement du moins. plus tard seulement. un peu plus tard
      dans quelques pas peut-être
      ou d'ici quelques pas

     

     

      naviguer entre les
      brisants, fêlures, ruptures, semer tout ce qui casse
      - un beau néant
      respire, dont on ne déchire plus
      d'image. ça fait d'la peine quand même...

     

     

    nerf vagal


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  •   il ne mange pas assez, il se
      suce le moignon, le mordille. il recopie ses textes au stylo-bille
      la mort dans l'âme, et le reste à l'écran. que cela n'engage à rien l'arrange, d'une certaine façon
      mourir prend peu de place. peu de place tout l'espace

     

     

      il se souvient comme elle lui caressait le bras, d'un doigt
      c'est fou tout ce que peut faire un doigt, puis se désiste
      il plie et range soigneusement sa pénurie dans un sac, c'est fou tout ce que peut
      contenir un sac, d'absences de carences, d'un tiens deux tu l'auras pas

     

     

      quelque chose de sale prend soin de la pureté, la préserve la cajole, l'entoure de quelques précautions
      il cherche une tête dans l'espace, les têtes ne poussent pas comme ça, ne repoussent
      pas d'aussitôt
      ni les paysages spontanément à la fenêtre - il faut auparavant souffler dessus
      longuement

     

     

      il tourne machinalement
      l'anneau à son doigt, pensant qu'il finira bien par jouir
      ou s'irriter
      quelque chose le crispe, qui n'entre pas en considération
      il y a comme une atteinte à la pudeur dans le fait même d'y penser

     

     

      un trou dans le néant, une tasse d'un liquide tiédasse
      marcher ne fait que déporter l'impuissance à se trouver là, l'imprévisible lui n'a pas bougé d'un pouce
      il se touche les lèvres - du moins a t-il encore une bouche, c'est toujours ça
      de gagné sur l'e muet

     

     

      il tombe
      en désuétude, en homme sur les rails pour faire l'amour au tram, il tombe
      c'est sa route, son tacle
      à force de se retourner se confondent en son esprit l'arrière et le devant, le vertige et la ligne assidue
      de l'horizon quand tout s'effondre, tandis qu'il
      se remet à pleuvoir...

     

     


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  •   tout à sa porte et tout à son odeur, il se mange un pion
      accentuant la déroute, demain même il
      jette sa baraque au feu, il attend un enfant - ce qui ne lui sera évidemment
      d'aucun secours

     

     

      malgré tout, et les portes qui claquent, il ne
      reconnait plus personne autour de lui, ni en soi
      jour après jour il arrose son gouffre, lequel progresse, lequel remonte et bientôt
      oh très bientôt
      le débordera

     

     

      il ne pleuvra plus
      sauf dans le souvenir têtu
      de son désespoir, recouvert par un désespoir plus grand encore - il ne tient plus
      que par l'idée qu'il tient encore, et la colère sans doute - une colère froide, sourde
      sourde et froide

     

     

      un poumon se promène
      seul dans le vide, puisqu'il n'y a plus de ville, que la ville s'est rétrécie au point de tenir toute sur le dos
      d'un coléoptère
      il s'est assis au fond d'une cour. dire qu'il s'est mis à sangloter
      manquerait de rigueur

     

     

      il ne reverra plus sa femme, son chien
      ni le dos de sa propre main - ce ne sont cependant pas des vacances, même s'il s'est arrêté
      de pleuvoir ou d'ailleurs
      quelqu'un se trompe de lit

     

     

      il a cessé de chanter, comme on arrête de fumer, par abjecte nécessité d'une part
      de l'autre par simple dégoût, et ce qu'il y a de pur dans le dégoût
      une fois quitté, le sol
      ne se reconstitue pas

     

     

    le saut sans l'élastique
      


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  •   il n'y avait
      pas de message dans la bouteille, ce qui m'a plutôt rassuré au fond - rassuré de
      me savoir vivre sur le bord, tout au bord, légèrement penché sur
      mon propre vertige, ou l'abyssale
      solitude de dieu

     

     

      (si) t'as pas d'mémoire t'as pas d'honneur. les jours débordent de la semaine - c'est les temps qui veulent ça
      l'éternité yoyo zéro. piqûres d'abeille mauvais sommeil. et se surprendre à
      bander sur l'échafaud

     

     

      il faut vraiment qu'il fasse beau pour que je me décide à sortir et justement, aujourd'hui il fait beau
      je retourne le miroir du côté pile, du côté ciel, du côté qui dédaignant les côtés prend tout dans ses bras
      ivre émerge des morts

     

     

      banana-split, ou même un peu plus haut sur la carte des non-lieux
      non, rien
      aller jusqu'au bout on n'en demande pas tant non: juste aller vers le bout
      mon chien ma femme, mon SDF - ne faisant partie de rien, j'en suis quand même
      j'en suis j'en reste

     

     

      le seul moment où je me sens encore un peu vivant, le seul moment où je ne m'abandonne pas. le seul présent préhensible, seule lueur dans l'incom-
      préhensible - drunk, afin de sauver ce qu'il reste de beauté, l'arracher
      aux maudits subterfuges...

     

     


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  •   ton jeu
      ton jeu d'vilaine, ton ciel et terre, ta pratique douce, je me baisse
      passe le vent, je me baisse
      j'aimerais t'écouter mais tant de bruit on ne peut pas s'entendre rejoins moi
      dans le couloir au fond, le couloir-firmament, celui d'après
      la fin du monde et des poussières

     

     

      confinement, des nœuds dedans
      je ne m'attends pas à grand chose, je tombe dedans
      la bassine. la gamelle.
      tu veux coucher avec moi ? je te préviens j'suis pas en règles - je veux dire je
      veux pas t'effaroucher, te casser ta chanson mais bon, tu me comprends...
      vas-y crache ton noyau

     

     

      ta nuit elle sent quoi ?
      j'entends j'm'abrite, la pluie tombe quand même
      on ne sert à rien, sinon une paume qui s'y glisse, un point vertigineux d'appui, un râle et on jure, on jure
      qu'on ne recommencera pas, qu'on ne nous
      y reprendra pas, et dès le lendemain nous voilà, glandes ballantes
      la voix en moins

     

     

      être mort ce n'est rien: avoir vécu si tu savais...
      on se terrait derrière nos montres, on faisait semblant de ne pas voir, de ne pas croire
      la mort c'est si facile, on n'a jamais fait plus léger - en attendant on s'est laissé aller on a laissé
      tomber la pluie, pisser le temps...

     

     

      ne me pardonne pas ou je ne te
      le pardonnerai pas et 
      c'est pire que de se tuer une fois encore, c'est aller déféquer dans nos lits, c'est nous cracher
      en pleine bouche, en pleine bouche putain
      - non, j'ai pas la bouche à ça...

     

     

    mords dedans


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