•   les ongles sont coupés. même ras, ils restent longs
      même nu, je reste déguisé, affublé d'un corps étranger
      et si je marche toute l'éternité, finirai-je par te rejoindre, éternité ?
      et si je marche à reculons, finirai-je jamais par
      retomber sur mon cul ?

     

     

      le seul moment de ma vie où toute douleur m'a quitté, où je fus totalement vidé de néant, et du poids d'exister. le seul moment de paix réelle
      dès lors ma chute, ma faille eurent un point d'ancrage, un terme et un commencement, un repère à partir duquel évaluer leur insondabilité, l'inépuisable de l'absence-mère

     

     

      il y a des trottoirs dont on change souvent, tandis que la rue
      demeure invariablement la même, lit de chats écrasés.
      il en va de ci comme il en va de ça, toujours à la dérive, toujours
      retournant le sable dans l'espoir insensé d'y retrouver la mer
      l'odeur ou le chant de la mer
      le sel au moins
      ou le moindre grain de sable, si tu veux...

     

     

      d'un corps noyé tu feras un grand V, les ailes sectionnées
      tatouées de hiéroglyphes dénués de toute signification
      et j'ai reconnu là ton visage, l'ovale
      d'un visage en tout cas, alors même que les traits que je lui dessinai
      ne représentaient plus grand chose finalement
      - c'est incroyable ce que la fin peut durer parfois
      et parfois tout le temps

     

     

      quand je me réveillai, je ne me trouvais déjà plus à mes côtés
      est-ce cela, se survivre malgré tout, ou ne plus se chercher d'alibi ?
      tu ne me verras plus traîner le long du canal, ni dans les ruelles derrière le port. et si quelqu'un a mal je l'écouterai souffrir - je n'ai rien d'autre à faire et tant pis si
      souffrir se tait dans ces cas-là. une oreille toute ouïe à la voix sous couvert

     

     

      une angoisse si pure, sans mélange, celle qui n'a pas de raison ou qui découvre
      en chaque chose un motif, un prétexte. le pain
      qu'on n'aura pas béni, l'inarticulable
      resté en travers. promesse perpétuelle, promesse intenue
      d'un été tout pourri...
      il y a ne pas être né. il y a
      ne se sentir être
      que ne se sentant rien

     

     


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  •   il y avait quelqu'un au bout de la jetée
      quelqu'un de tranchant.
      j'apporte ce que je peux: des boutons qui n'ont pas refermé, des boutons
      qui n'ont jamais ouvert. je recouds les soupçons
      avec mon pouce

     

     

      personne n'a mes dents. personne ne
      mord ni ne rit avec mes dents.
      quand on ramasse un bout de bois on se baisse d'abord, puis on se lève. on n'a fait que déplacer le bout de bois et ce faisant on en a changé le sens à nos yeux
      et le sens en a peut-être modifié la nature en retour, ou le sens de sa nature à nos yeux.
      personne n'a mes dents. elles
      tombent toutes seules, depuis toujours

     

     

      tant qu'on respire on n'a pas encore tout perdu. il reste quelque chose à perdre. ce qui suppose qu'on n'a toujours rien compris
      la sagesse des morts leur blanchit les dents, mais je doute qu'elle leur joigne les paumes
      qui ne leur servent à rien, pas plus que les dents

     

     

      reste t-il une plage hors la tristesse, la sauvagerie de la tristesse ?
      existe t-il une plage ? une marge à l'océan qui après tout ne fait que s'effondrer sur lui-même
      supportant le cri des mouettes
      ou ne le supportant pas

     

     

      supposé qu'un homme me baigne, ou une femme
      supposé qu'il, ou elle, me maintienne la tête en arrière, jusqu'en pleine lumière, une main glissée sous ma nuque
      supposé que je n'ouvre plus les yeux, que plus rien ne me force à ouvrir les yeux, nul danger
      supposé que je n'existe plus, que je ne différencie plus pile de face, le profil du côté
      je marche à l'ombre de moi-même, désespérant
      de jamais la dépasser...

     

     

    soleil vacant


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  •   caresser le contour ou encore le contour, du moment que ça
      ne la touche pas
      ne l'affecte pas
      ne me rend pas jaloux, troué sur place
      troué d'un trou
      tout pénétré d'un vide, ou d'une absence

     

     

      mort d'avoir mouru, tu ne dis pas bonjour
      tu t'arranges avec la grue
      rien qu'en surface déjà je perche ou je pends comme au
      sommet d'un fond, à la cime d'un vide
      il n'y a pas d'arête, dans le vide...

     

     

      quelqu'un ne m'aime pas et ce n'est pas la première fois
      qu'on me colle
      du chewing-gum sur les seins, les tétons plus exactement - je suis un mec vois-tu et un mec, ça ne fait pas semblant
      même de faire semblant

     

     

      je me suspends à mon bras, c'est pas tout à fait comme ça encore
      que l'on prend son envol
      c'est pas tout à fait comme ça je crois
      qu'on arrive quelque part, quelque part où il ne
      pleuvrait presque pas
      sans qu'on s'en aperçoive

     

     

      je marche hors la ville, hors la ville colle à mon pas
      quelques brins d'herbe un jet de pisse
      rebaptisent tout un square, ce qui manque ne fait pas
      mystère de son absence, je sors un bout de pain - il mouille
      un bout de pain mouillé

     

     


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  •   je me demande ce qu'est d'être humain. la tristesse sans doute. la tristesse, infiniment humaine. la tristesse comme l'humaine infirmité de l'être ou quelque chose comme ça. ce deuil-là. ce deuil de l'amour impossible

     

     

      il y a des huîtres dans le parc
      il y a des huîtres partout
      le banc cependant
      reste de planches

     

     

      des hommes malades
      ils ne viennent de nulle part, rentrent où ils peuvent, repartent n'importe quand
      s'abritent de la pluie, pensant ainsi passer
      entre les gouttes, ou sous la vague

     

     

      un soir à marée basse, mais si basse...
      qui l'eut crue remonter, se mettre à jour, veuve d'un i
      un soir se noyer, mais pourquoi se noyer - comme s'il n'y avait pas
      assez d'eau comme ça, même à Sligo

     

     

      quelqu'un ne descend pas
      vers le port ou plus bas, où mon bras reste creux
      faut dire que je n'attends pas, à force de
      n'attendre plus

     

     

      si quelqu'un a pitié surtout qu'il
      ne le montre pas, l'agrafe tombée
      l'ombre entrouverte
      je ne sais pas ce qui me prend, le froid me prend, des doigts
      d'où s'émiette la pluie

     

     

      l'âme, c'est exactement tout ce qu'on ne dit pas
      sortir un trois-quatre quand seul un double six nous sauverait
      je ne crois qu'au destin, c'est à dire à la réalité pure - non pas telle qu'elle tombe,
      mais telle qu'elle s'écrase

     

     

    prodigue-moi la mer


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  •   ce n'est pas un homme que tu gardes sous le bras c'est un morbide
      un bout morbide, par quel bout morbide
      une terre l'encensoir
      un membre à part, dressé à mordre, à cracher du foutoir

     

     

      il y a du vent cela fredonne
      dans les oreilles
      on dirait même qu'il souffle
      un air de déjà-vue sous un air, allez ose donc le dire,
      de jamais reconnue

     

     

      rien sous la chemise qu'un vague état
      de somnambule
      d'homme à rien faire, les yeux au ciel, grisant grisâtre grisonnant, d'homme à défaire
      - basse, la ligne...

     

     

      pas plus un être que moi qui dort, là
      la tête enfouie dans le colon, le giron cramoisi
      et moi aussi je me sens mal parfois, entre quat' fers et à l'équerre
      flanqué d'un bond, sucé d'une chute

     

     

      non non c'est bon, toute la merde est dans l'sceau
      il n'y a ici
      rien à revoir, rien à remuer de la mémoire en berne
      nu à la corde nu
      à l'anse froide, charcutant
      le poing qui s'use

     

     

      de quoi le dire
      t'en délivrerait-il, de quoi le taire ?
      quelque chose est perdu, ou pire de vendu
      quelque chose qu'on ne pourrait rendre sans dedans rendre son âme
      à qui de droit
      à qui de soif au moins

     

     


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  •   le vent fait paragraphe, et le grand vent d'autant
      il ne parle de rien - du jour qui passa quand rien ne se passa

     

     

      le mieux c'est d'avoir fait comme si de rien ne fut, entre tresses et biceps
      un homme s'est tordu, qu'aucune pince ne saurait redresser

     

     

      il n'y a plus rien à attendre de moi - ni rayon vert ni pomme de pin
      je ne peux pour autant me retenir de baver

     

     

      si par hasard un ballon échoue de sous mon banc, je tape dedans
      d'une cerise éventuellement, je ne garde que la queue

     

     

      et tout venir d'un champ, et tout venir d'un poêle. et tout s'approprier
      du corps dépossédé

     

     

      je pense à toi je pense à rien, le monde s'enlise, recommence à zéro
      dès la mi-août les nuits qui rafraîchissent, le soleil qui patine...

     

     

      on ne servait à rien, et rien de même, avec des petites rides au coin de l'œil
      va falloir mourir nu, exempt de toute
      condescendance

     

     

    que toute la nuit s'en aille en terre, s'en aille en terre


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  •   il n'y a qu'à couper à travers champs, à travers champs c'est plus nomade

     

     

      les nuisibles et leurs familles - elles se déchirent le voile, elles s'effacent la vue, dégringolent à vide

     

     

      vaincre restera sans conséquence. la défaite fera d'une pierre vacances, d'un parapluie lévitation

     

     

      je parle d'outre tombe or qui parle là ? un cheval de troie ? l'angle mort à marée basse ? cassandre ressuscitée ?
      il a fallu bouger, d'abord

     

     

      du petit-quevilly j'ai retenu le nom, les maisons basses. l'improbabilité d'être un ange

     

     

      tout s'est comme il faut
      pendu à raison close . et les amours d'alors il n'y en avait pas; et les amours dès lors il n'y en avait plus

     

     

      car ce n'est pas ma vie ça, mais celle d'un autre, sa destinée prématurée - fausse dent dans
      la mâchoire grand'ouverte

     

     


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  •   il y a, dans mon appartement, quelqu'un de tout petit, quelqu'un de minuscule, de pas plus haut qu'une marche
      il boit sa raison chaude

     

     

      je n'apporte pas grand chose sur la table: mes mains, de leurs longs doigts. un couteau qui coupe mal car je ne cesse de me couper. une tasse. dans laquelle je bois l'eau, le thé, le vin - enfin... tout ce que je bois
      de mes doigts effilés

     

     

      je reconnais peu de poésie à la mer, pas plus qu'au chemin menant à la mer. il n'y a en moi nul horizon, et la lumière si lumière il s'y trouve ne provient pas de moi mais de plus loin au fond, ou d'en-dehors
      de moi-même je n'éclaire rien, n'émet aucune lueur

     

     

      la poussière s'accumule dans les angles, sur les surfaces planes. aérer chaque jour, même en hiver, mais jamais trop longtemps
      une vie macère en moi, l'habitant de ce lieu

     

     

      toute clarté me traverse, tamisée comme si j'étais une vitre opaque, laissant filtrer la lumière du jour sans pour autant risquer d'être vu du dehors où
      flottent les yeux, mâchouillent leurs prunelles

     

     

      des images pendent du plafond, peu réciproques. il ne se passe rien, d'un rien épais, increvable, corrosif
      entre l'ivresse et le temps le combat continu, le combat diminue

     

     

      les doigts sentent le charbon, le charbon tout à coup. portion congrue
      il y a un temps dormir debout, une vérité ludique. un ver pendant au cul du vide, un pauvre poil...

     

     

    pierre ou caillou


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